National Identity at the Heart of the American Campaign

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Durant tout le match, nous les avons sifflés et hués à perdre haleine. Nous les avons même insultés, de la façon la plus ignoble. Rien n’y a fait. Dans les dernières minutes, les Pistons de Detroit ont encore marqué. Ils ont battu d’un point (93 à 92) le Heat de Miami. Ceux-ci jouaient pourtant sur leur parquet, dans l’immensité caverneuse de l’Arena, le grand stade couvert de la ville.

C’était le 23 décembre. Ici, le basket est un peu comme la bourrée en Auvergne  : une affaire importante – culturelle. Le Heat de Miami est l’une des équipes vedettes de la National Basketball Association (NBA). Comme nous étions dans le public, nous avons sagement pris leur parti et accompagné la sono chaque fois qu’il fallait conspuer ces minables de Detroit. Les matchs de la NBA ne sont pas seulement du sport, du basket de très haut niveau. Ils tiennent aussi de la fête et de la kermesse familiale. C’est du spectacle multimédia où d’immenses écrans de télévision « flashent  » en multicolore le score et l’action, le tout en direct et en musique. Une expérience sensorielle éprouvante, mais réjouissante.

Mais l’essentiel n’était pas sur le parquet de l’Arena. Il était dans ce public multiethnique de Floride  : Latinos, Noirs, Blancs, Asiatiques, blazers et marcels confondus. Le petit Français de passage ne peut pas ne pas gamberger  : qu’ont-ils en commun, ces « Américains  » ? Quel roman national, quel socle de mémoire partagée  ? Cette fois la réponse était sur le terrain, avant le match. Quand une lycéenne de 16  ans, à la voix trop haut placée, s’avance sur la piste, micro en main, et attaque les premières notes du Stars Spangled Banner, l’hymne national des Etats-Unis, un seul mouvement agite le public  : tout le monde debout. Quand un des joueurs vedettes du Heat, un Afro-Américain, présente ensuite un jeune militaire, blanc, en uniforme, floridien tout juste honoré pour sa bravoure au feu sur un terrain extérieur, même mouvement spontané  : tout le monde debout.

Trop d’immigrants, selon Trump

Ce patriotisme américain, sans cesse renouvelé, est-il la condition d’une société multiculturelle vivable – celle-ci fût-elle entachée, de manière tout aussi renouvelée, par le racisme de policiers blancs à la gâchette trop facile  ? Le questionnement sur l’identité nationale pourrait être au cœur de la campagne pour l’élection présidentielle de novembre 2016. Il domine cette période de préprimaires chez les républicains. Roi de la téléréalité et de l’immobilier de luxe, Donald Trump a donné le ton  : un trop-plein d’immigrants menace l’Amérique, dit-il.

Trump propose de renvoyer de l’autre côté du Rio Grande quelque 11 millions d’immigrants illégaux. Il suggère de fermer le pays aux musulmans. Le bâtisseur des casinos de la Côte est a déporté sur la droite les autres prétendants à l’investiture républicaine. Derrière le thème de l’immigration, il a canalisé la colère et les peurs d’une classe moyenne blanche, masculine, plutôt âgée, malmenée par la mondialisation.

Dans le Miami Herald, le politologue E. J. Dionne, prodémocrate, écrit  : « Lequel des deux partis aime vraiment l’Amérique  ? Pas les Etats-Unis qui existaient autrefois, mais cette nation d’aujourd’hui, de chair et de sang, celle dans laquelle nous vivons  ? » Réponse de Dionne  : les trois candidats à l’investiture démocrate – Hillary Clinton, Martin O’Malley et Bernie Sanders – « défendent les droits d’une Amérique plus jeune, le pays d’aujourd’hui, qui est moins blanche, plus latino et plus asiatique et, oui, plus musulmane aussi qu’elle ne l’était hier  ».

Le Parti républicain est devenu celui de la protestation. Il exploite le thème du « déclin  » (réel ou non). Il dénonce la perte de vigueur d’un imperium américain que menace l’émergence d’autres puissances. Il refuse la complexité d’un monde globalisé. Il s’oppose, plus qu’il ne propose. C’est un bouleversement sur l’échiquier politique national. Depuis les années 1980, les républicains portaient haut et fort l’optimisme américain et la confiance dans l’avenir. Les démocrates cultivaient souvent une attitude plus sceptique, voire un pessimisme raisonné. En 1980, le républicain Ronald Reagan sort le pays d’une crise de déprime, incarnée, à tort ou à raison, par le démocrate Jimmy Carter.

Les minorités votent démocrates

Les rôles sont aujourd’hui inversés. Les républicains, chagrins, tapent sur l’immigration. Les démocrates, confiants, prennent les Etats-Unis tels qu’ils sont et, massivement, récoltent les votes des minorités ethniques – en général, attachées aux valeurs de la famille, de la religion et du travail. Le 15 décembre, Barack Obama recevait à Washington vingt-sept immigrés qui venaient tout juste de prêter serment pour devenir américains. Scène inimaginable en France  : dans le bâtiment des Archives nationales, qui abrite les textes fondateurs de la démocratie américaine, le président démocrate délivre un cours sur les devoirs des nouveaux arrivants.

« Vous appartenez maintenant à l’histoire de ce pays (…) il vous reste un chemin difficile à accomplir, il vous faut devenir des citoyens actifs  », avertit Obama, qui, dans un discours puissant, prévient encore  : « C’est dur d’être un Américain, c’est dur de vivre en démocratie  ; être citoyen est d’abord un défi  », celui d’être fidèle à ce qui fait que ce pays « n’est pas un simple morceau de terre mais aussi une idée  ». Cette idée, poursuit Obama en substance, il leur faudra la défendre, parce que la démocratie n’est jamais garantie et qu’elle ne cesse de trébucher, y compris en Amérique. En somme, la diversité américaine requiert une forme de patriotisme… CQFD ?

Le 25 décembre, l’honneur est sauvé  : le Heat de Miami bat les Pelicans de La Nouvelle-Orléans 94 à 88. Ouf  !

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