The American Dream Being Tested in 2016

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Le rêve américain à l’épreuve de l’année 2016

Elsa Conesa, Jan 11, 2016

A quelques semaines du coup d’envoi des élections, la situation des classes moyennes américaines, lessivées par la crise, concentre toute l’attention. Et le débat sur le salaire minimum, qui reste l’un des plus faibles du monde industrialisé, refait surface.

Le décompte a commencé. Dans trois semaines exactement, les électeurs de l’Iowa iront, les premiers, choisir leur champion, dans chacun des partis. Hillary Clinton battra-t-elle à plate couture son rival très à gauche Bernie Sanders ? Qui de Donald Trump, Ted Cruz ou Ben Carson portera les couleurs du camp républicain ? Le rendez-vous est attendu, mais pas forcément pour les raisons qu’on imagine. Le premier signal envoyé par ce « purple state », ni vraiment démocrate ni franchement républicain, donnera, bien sûr, un éclairage sur la suite de la course. Mais il dira aussi, en creux, si la belle reprise économique qui se lit dans les chiffres de l’emploi ou de la croissance, mois après mois, est devenue pour les Américains une réalité quotidienne.

Avec un marché du travail proche du plein-emploi (5 % de chômeurs), un PIB qui a progressé de plus de 2 % au cours de cinq des six derniers trimestres, et une productivité en hausse, l’économie américaine affiche en effet tous les signes d’un redémarrage. Le mois dernier, la Réserve fédérale s’est d’ailleurs décidée, après des mois d’hésitation, à relever les taux pour la première fois depuis près de dix ans. Mais, sept ans après la crise, le pays porte encore les stigmates de ce que les Américains ont baptisé la « grande récession ». La classe moyenne, symbole inaltérable de la prospérité américaine qui concentre toute l’attention des candidats, est sortie lessivée de l’épisode des « subprimes ». Très exposée à l’immobilier, elle n’a pas retrouvé son revenu médian des années 2000. Surtout, les inégalités se sont creusées. D’après une vaste étude publiée en décembre par le Pew Research Center, la classe moyenne (1) est passée en 2015 sous la barre symbolique des 50 % de la population adulte américaine. Une première depuis plus de quarante ans.

Cette érosion numérique, qui s’est faite au profit des deux extrêmes, est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour le pays. Elle révèle que le nombre d’Américains plus riches a augmenté plus vite que les plus pauvres. Mais aussi qu’une partie des classes moyennes, la moins bien formée, s’est paupérisée. D’après la même source, 20 % des adultes américains vivent aujourd’hui près ou au-dessous du seuil de pauvreté, dont la moitié depuis 2011. Et beaucoup de ces nouveaux pauvres sont actifs : les trois quarts des Américains qui ont recours aux programmes d’aide sociale, y compris pour s’alimenter au quotidien, font partie d’un foyer où au moins une personne travaille, selon une étude de l’université de Berkeley. « C’est le coût caché du travail bon marché », explique l’auteur de l’étude, qui estime la prise en charge de ces travailleurs pauvres à 150 milliards de dollars par an pour la collectivité.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le débat sur le salaire minimum refasse surface. Un peu comme le port d’arme ou l’avortement, le sujet déchire les Etats-Unis à intervalles réguliers. Mais il se pose de façon plus aiguë depuis la crise. A 7,25 dollars par heure, le SMIC américain est en effet l’un des plus faibles du monde industrialisé. Malgré plusieurs tentatives de Barack Obama, il n’a pas été revalorisé depuis 2009. Au point que la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a pris position pour une revalorisation qui « poserait les fondations d’une croissance durable ». Certains économistes ont ramené le salaire minimum au PIB par habitant dans les pays de l’OCDE, et ils en ont déduit que le SMIC américain devrait – en théorie – avoisiner les… 12 dollars.

Les termes du débat aux Etats-Unis sont à peu près les mêmes qu’en Europe : les partisans d’un relèvement du salaire minimum font valoir qu’il est impossible de vivre décemment en gagnant 7,25 dollars par heure, même en travaillant à plein temps, même dans les Etats les plus pauvres. Les opposants craignent au contraire qu’un SMIC plus élevé ne conduise in fine à des destructions d’emplois, qui affecteraient les populations les moins qualifiées, et donc les plus fragiles. « Je déteste devoir le dire, mais il faut laisser le salaire minimum à son niveau actuel », a ainsi défendu Donald Trump à l’automne. « Il faut à tout prix éviter que les gens ne coûtent plus cher que les machines », a renchéri son rival Marco Rubio. Alors que la favorite démocrate, Hillary Clinton, est restée prudente, le « New York Times » a pour sa part plaidé franchement pour un salaire minimum à 15 dollars dans son éditorial du 26 décembre.

Curieusement, si le débat national semble paralysé, les élus locaux, eux, ont pris le relais. Ces dernières années, plus de la moitié des Etats, y compris républicains, ont adopté un salaire minimum supérieur au plancher fédéral (de 8 à 10 dollars). Et certaines grandes villes comme Seattle, San Francisco ou Los Angeles, projettent d’atteindre les 15 dollars dans les cinq ans. De nombreuses entreprises ont aussi choisi d’être mieux-disantes : dans la Silicon Valley, bien sûr, mais aussi dans des industries moins prospères, comme la distribution ou la restauration, où le marché de l’emploi commence à se tendre. Walmart, Costco, Gap ou encore McDonald’s proposent sensiblement plus que le salaire minimum.

Le bilan de ces mesures est tout aussi débattu que le sujet du salaire minimum lui-même. Mais le mouvement pourrait se poursuivre en 2016 : quatre Etats, dont New York et la Californie, ainsi que neuf grandes villes se prononceront sur l’instauration d’un salaire minimum à 15 dollars. Ce qui n’en fera certes pas le nouveau standard. Mais devrait animer le débat une année de plus. Dans l’Iowa et au-delà.

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