Saudi Arabia and Iran – Obama Must Get Involved To Avoid the Worst

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La dangereuse escalade entre Téhéran et Riyad, essentiellement motivée par des considérations de politique intérieure, est potentiellement explosive pour le Moyen-Orient. Il est du devoir de Washington de ramener le calme.

Dans les années 70, au lendemain du voyage de Richard Nixon en Chine, on parlait du triangle Washington-Moscou-Pékin. Aujourd’hui, au Moyen-Orient, il existe un autre triangle entre Ryad, Téhéran et Washington. Le problème pour l’équilibre de la région, c’est que ce triangle est parfaitement dysfonctionnel. On ne peut en effet comprendre l’escalade dangereuse à laquelle se livrent l’Arabie saoudite et l’Iran sans mettre en avant le rôle ou plutôt, en l’espèce, l’effacement au moins relatif des Etats-Unis.

Alors que l’Amérique ne dépend plus du Moyen-Orient sur le plan énergétique, l’Arabie saoudite se comporte désormais comme un électron libre par rapport à Washington. Une prise d’autonomie qui ne va pas, c’est le moins que l’on puisse dire, dans la bonne direction. Hier encore, la diplomatie saoudienne combinait « chéquier généreux et profil bas ». Riyad avançait sinon masqué, du moins prudemment. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite semble vouloir compenser l’affaiblissement de ses ressources financières par l’audace et la visibilité de ses initiatives. En exécutant le cheikh chiite Nimr al-Nimr, l’Arabie saoudite a pris le risque d’enflammer ses relations avec l’Iran et, au-delà, avec l’ensemble du monde chiite. Elle l’a fait délibérément – et ce avant tout pour des raisons de politique intérieure. Il s’agit pour Riyad de détourner l’attention de sa population à un moment où la chute vertigineuse (et probablement de longue durée) du prix des hydrocarbures ne lui permet plus de continuer à acheter la paix sociale par d’importants subsides à sa population, comme elle le fit par exemple au début des printemps arabes. Mais utiliser la carte du nationalisme religieux et sectaire jusqu’à flirter avec la guerre – réelle, comme au Yémen, ou potentielle avec l’Iran – est toujours pour un régime fragile une entreprise dangereuse. Le régime saoudien pourrait-il connaître un jour le sort du Second Empire en France ou celui de l’empire austro-hongrois, qui n’ont pas survécu à la défaite militaire ?

La fuite en avant de Riyad s’explique certes aussi par des raisons de personne. C’est peu dire qu’il n’existe pas (ou plus) de Kissinger à la cour de la dynastie saoudienne. Le prince Saoud al-Fayçal, qui dirigea la diplomatie du royaume pendant quarante ans, n’a pas trouvé de digne successeur. Avec un système politique vicié dans son principe et affaibli dans sa légitimité par une idéologie et une pratique religieuse qui, vues de l’extérieur au moins, ne semblent pas si différentes des dérives de Daech, l’Arabie saoudite semble utiliser son obsession de l’Iran chiite comme le principal moteur de son identité. Pour la France, qui joue depuis plusieurs années la carte saoudienne, l’évolution du comportement de Riyad est problématique.

Quelles relations avoir avec un allié au comportement irresponsable, sur lequel on n’a plus aucune influence réelle et qui est autant à la source des problèmes de la région qu’un rempart face au risque de chaos ? Mais, si Riyad n’écoute plus Washington, pourquoi attacherait-il quelque importance aux propos de Paris ?

Si la responsabilité de l’Arabie saoudite est éclatante dans le processus d’escalade auquel on assiste aujourd’hui, l’Iran est loin d’apparaître comme un acteur irréprochable. En matière de droits de l’homme, Téhéran n’a aucune leçon à donner à Riyad. En 2015, l’Iran a exécuté bien plus de personnes (autour de 1.000) que l’Arabie saoudite. Les conservateurs iraniens ont vu dans la provocation saoudienne un prétexte commode pour remettre en cause – par une action inacceptable, comme le sac de l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran – les petits progrès réalisés depuis la signature de l’accord sur le nucléaire par le camp des modérés, derrière le président Rouhani.

En fait, Daech est le seul bénéficiaire réel de l’escalade déclenchée par l’Arabie saoudite et exploitée par une partie du régime iranien. C’est un paradoxe. Au moment où l’organisation terroriste voit les territoires qu’elle contrôle se réduire progressivement, elle bénéficie de la division de ses adversaires. Comment espérer que le processus entamé à Vienne sur l’avenir de la Syrie connaisse le moindre progrès si deux des principaux participants, l’Arabie saoudite et l’Iran, jouent avec le feu et se donnent comme priorité d’affaiblir l’autre et non le soi-disant Etat islamique ? Le constat s’applique aussi au conflit au Yémen. Si Riyad et Téhéran ne se parlent plus que pours’invectiver, tout compromis devient impossible dans l’ensemble de la région.

En réalité, il convient de revenir à la formule du triangle. Les Etats-Unis ne peuvent ni ne veulent choisir entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Mais ils sont les seuls à pouvoir peut-être encore contribuer au rétablissement d’une forme de dialogue responsable entre Riyad et Téhéran. Une majorité d’Iraniens soutienent l’ouverture au monde de leur pays qui doit logiquement accompagner la signature de l’accord sur le nucléaire. L’Arabie saoudite s’est sentie abandonnée, sinon trahie, par une Amérique qu’elle comprend de moins en moins depuis la guerre de 2003 en Irak, qui n’a fait qu’un seul vainqueur : l’Iran des mollahs et, au-delà, la cause des chiites. Il existe pourtant chez de nombreux dirigeants saoudiens comme un instinct de survie. Dénoncer l’irresponsabilité de l’Amérique est une chose, la précipiter de facto dans les bras de l’Iran en est une autre. L’Amérique doit exercer tous les moyens de pression dont elle dispose pour éviter que l’Arabie saoudite et l’Iran continuent de flirter dangereusement avec la guerre.

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