L’égérie du Tea Party a affiché dans l’Iowa son soutien au nabab populiste favori de la primaire républicaine.
«Mama Grizzly» is back ! Disparue ces dernières années des radars politiques américains, l’ancienne gouverneure républicaine de l’Alaska, Sarah Palin, a fait mardi soir un retour fracassant en apportant son soutien à Donald Trump. «Etes-vous prêts pour le leader qui rendra sa grandeur à l’Amérique ? Je suis ici pour soutenir le prochain président des Etats-Unis», a lancé l’ex-égérie du Tea Party lors d’un meeting du milliardaire à Ames, dans l’Iowa, Etat qui ouvrira le bal des primaires le 1er février. Le ralliement de Sarah Palin au favori des sondages pour l’investiture républicaine n’est qu’une demi-surprise, tant les deux personnages ont beaucoup en commun. Vedettes de télé-réalité, ils partagent la même rhétorique antisystème, le même mépris pour les politiciens de Washington. Ils suscitent en outre les mêmes critiques : incompétence et tendance à privilégier les phrases chocs à la substance. Face aux partisans du magnat de l’immobilier, Sarah Palin a affiché son style habituel, clamant que seul Donald Trump était capable de «botter le cul» de Daech et de «faire sauter l’establishment». «Il ne doit rien à personne si ce n’est à nous, le peuple», a lancé l’ancienne gouverneure de l’Alaska, choisie à la surprise générale pour être la colistière de John McCain à la présidentielle de 2008.
Commentatrice
Peu après la défaite du «ticket» républicain face à Barack Obama, Sarah Palin avait démissionné à mi-mandat de son poste de gouverneure pour devenir commentatrice politique sur Fox News et figure de plusieurs émissions de télé-réalité consacrées à l’Alaska et à d’autres régions sauvages des Etats-Unis. Portée par sa soudaine popularité, Sarah Palin s’est imposée comme une figure conservatrice. Lors des vagues successives du mouvement ultradroitier du Tea Party en 2010, puis 2012, elle avait sillonné le pays pour soutenir de nombreux candidats au Congrès, y compris Ted Cruz, désormais sénateur du Texas et principal adversaire de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche.
Depuis, l’étoile politique de l’ancienne finaliste au concours de Miss Alaska 1984 a faibli. Et à une dizaine de jours du début des primaires, l’impact de son ralliement reste incertain. La dernière fois que l’institut Gallup a inclus Sarah Palin dans un sondage politique, en juillet 2013, elle recueillait seulement 35 % d’opinions favorables au sein de la population, mais 61 % parmi les électeurs républicains. Aujourd’hui, beaucoup d’analystes estiment que l’ancienne gouverneure garde une certaine aura, en particulier auprès des ultraconservateurs et des chrétiens évangéliques. Les deux franges de l’électorat que Donald Trump a, justement, le plus de mal à convaincre.
Largement en tête dans les sondages nationaux, le magnat de l’immobilier est au coude à coude dans l’Iowa avec Ted Cruz, figure ultraconservatrice qui ne cesse de critiquer les positions trop modérées de Donald Trump, en particulier sur les questions de société. Dans ce contexte, le soutien de Sarah Palin «est un élément important, a réagi l’analyste républicaine Ana Navarro sur CNN. Ted Cruz attaque Donald Trump sur le fait qu’il aurait des valeurs new-yorkaises. S’il y a quelqu’un qui ne représente pas ces valeurs new-yorkaises au sein du Parti républicain, c’est certainement Sarah Palin. Elle est “Mama Grizzly”, elle incarne l’Alaska, la nature sauvage, le mouvement antiavortement et proarmes. Je pense que ce soutien est une très bonne chose pour Sarah Palin, dont la notoriété a diminué et qui va désormais être partout dans les médias. Et je pense que c’est une très bonne chose pour Donald Trump.» Alors que la mobilisation des électeurs est un facteur clé pour remporter les caucus de l’Iowa, le milliardaire pourrait tirer profit du réseau dont dispose encore Sarah Palin dans cet Etat rural du centre du pays. «Au fil des années, Palin a cultivé un certain nombre de relations ici, explique au New York Times Craig Robinson, ancien directeur politique du Parti républicain de l’Iowa. Ce sont notamment des activistes du Tea Party, qui continuent de penser qu’elle est formidable et qu’elle apporte une bouffée d’air frais. Mais elle a également réussi à séduire des donateurs républicains dans l’Etat.» Mobiliser les indécis pourrait faire pencher la balance en faveur de Donald Trump.
Signe d’ailleurs que ce soutien inquiète le camp de Ted Cruz, un proche conseiller du sénateur texan avait affiché son agacement mardi matin, alors que circulaient les rumeurs d’un ralliement imminent de Sarah Palin. «Je serais déçu que ce soit elle», avait-il lancé, insistant sur les positions «progressistes» défendues dans le passé par Donald Trump. Face au début de polémique suscité par ces propos, Ted Cruz a tenu à rectifier le tir : «Sarah Palin est fantastique. Sans son amitié et son soutien, je n’aurais pas été élu au Sénat. Quoi qu’elle décide de faire en 2016, je resterai toujours un grand, grand fan.»
Amateurisme
Ancienne journaliste sportive, surnommée «Sarah Barracuda» quand elle jouait au basket au lycée, Sarah Palin sort donc de l’ombre pour une deuxième fois. En 2008, sa présence inattendue sur le «ticket» avait précipité la défaite du Parti républicain. Selon une étude réalisée en 2010 par des chercheurs de l’université de Stanford, les gaffes à répétition, l’amateurisme et les positions ultraconservatrices de la gouverneure de l’Alaska avaient coûté à John McCain 1,6 % des voix, soit plus de deux millions de votants qui s’étaient rabattus sur Barack Obama. Cette fois, le scénario est différent. Même si Donald Trump remportait l’investiture républicaine, il semble peu probable qu’il choisirait Sarah Palin comme colistière. Et surtout, le magnat de l’immobilier étant lui-même abonné aux provocations et aux phrases chocs, on voit mal qui Sarah Palin pourrait faire fuir.
Frédéric Autran Correspondant à New York
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