US Primaries: The Doubts of Republican Voters in New Hampshire

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Primaires américaines : les doutes des électeurs républicains dans le New Hampshire

Steve Hunt pose fièrement, le torse bombé, entre deux tables du Generals Sports Bar and Grill de Weare, dans les collines du New Hampshire. Il a confectionné lui-même son tee-shirt, orné d’un panneau d’interdiction dans lequel a été glissé un portrait de la candidate démocrate Hillary Clinton. Le panneau est surmonté d’un mot d’ordre : « Anybody but Clinton » (« Tout sauf Clinton »). Dans l’esprit de Steve Hunt, ce « tout » est naturellement limité aux neuf républicains toujours candidats à l’investiture du Grand Old Party (GOP).

Il est venu dans ce bar installé en lisière de forêt, ce jeudi 4 février, pour entendre le vainqueur de l’Iowa, le sénateur du Texas Ted Cruz, tout juste débarqué de son bus frappé de la formule « Cruz’in to Victory ». « Je n’ai pas encore fait mon choix pour mardi [9 février] », jour des primaires du New Hampshire, « je veux entendre ce qu’il a à dire ». Pour Steve Hunt, il n’est pas seulement question d’idées. « Je veux savoir s’il peut gagner, parce que c’est ça qui compte, cette année, gagner », avoue-t-il.

Cruz et la « Reagan Coalition »

Ted Cruz entretiendra cette flamme quelques instants plus tard, en décrivant la situation, dramatique d’après lui, qui serait celle des Etats-Unis avec « un troisième mandat de ce président », réincarné sous les traits de son ancienne secrétaire d’Etat, Mme Clinton. Il évoque la nomination de juges libéraux à la Cour suprême, qui s’attaqueraient à des valeurs américaines, selon lui, déjà menacées. Devant quelques journalistes, le très conservateur Cruz n’a pas oublié de moquer l’emballement créé par le score obtenu dans l’Iowa par un autre sénateur, Marco Rubio, élu de Floride. « On nous parle de son impressionnante troisième place, ironise-t-il, depuis combien de temps ces mots vont-ils ensemble ? »

Un peu plus tard, il se dira capable de rassembler la « Reagan Coalition », composée de « conservateurs Tea Party, de libertariens et de démocrates reaganiens », qui avait porté l’ancien gouverneur de Californie à la Maison Blanche. Parmi les habitants de Weare présents ce jour-là, tous ne sont cependant pas convaincus. Bill O’Mahony est venu « sous les ordres » de sa femme Jane, mais il est rebuté par la trop grande proximité de Ted Cruz avec les évangéliques. Redmond Wilson, un ancien marine, reste pour l’instant séduit par Donald Trump. En quoi le magnat de l’immobilier est-il différent des autres ? « Il n’est peut-être pas poli, mais il dit ce qu’il pense », assure ce solide octogénaire.

Quelques heures plus tard, devant une foule rassemblée dans le Great Bay Community College, le milliardaire, donné vainqueur dans le New Hampshire, peut mesurer sa force d’attraction. Nul besoin de finir ses phrases, le public s’en charge. « Vous savez qui va payer pour le mur ? » qu’il veut voir érigé à la frontière avec le Mexique. « Mexico ! », hurle la foule. « Que faut-il arrêter de manger ? parce que l’entreprise a délocalisé une usine dans ce même Etat ? Le public crie le nom de la marque de biscuits en question. Le discours sur l’immigration porte, dans cet Etat où un candidat républicain au Sénat, Scott Brown, l’avait déjà martelé en 2014, et où la gouverneure démocrate Maggie Hassan s’est prononcée contre l’installation de réfugiés syriens en contradiction avec la position officielle de son parti.

Scott Coulombe, un autre électeur républicain, veut à tout prix que son parti l’emporte en 2016, comme Steve Hunt, et c’est justement pour cela qu’il est venu assister le lendemain, vendredi, à la réunion publique de Marco Rubio, à la Hood Middle School de Derry. « Je trouve personnellement que Carly Fiorina [la seule candidate républicaine] est une femme exceptionnelle, mais lui peut être élu. » Sur scène, le sénateur de Floride se dit capable de rassembler le parti derrière lui, mais il soulève les applaudissements les plus nourris lorsqu’il évoque, lui aussi, l’immigration, la promesse d’augmenter les dépenses militaires, et qu’il rend hommage aux policiers.

Procès en incompétence

A la fin du discours, Frank Jameson, enthousiaste, repart convaincu. Tout comme un couple de retraités de Derry, Carl et Linda. Leur amie Susan, elle, reste sceptique. « Marco Rubio, c’est beaucoup de “moi je…”, je trouve que Jeb Bush présente plus de garanties. » « Nous l’avons entendu hier », précise Carl, « c’est vrai qu’il a l’air compétent et il est vraiment beaucoup plus à l’aise dans un town hall », ces réunions publiques où les candidats se prêtent au jeu des questions, « qu’à la télévision ».

L’ancien gouverneur de Floride retrouve ses soutiens le matin suivant à Bedford, dans une autre école, pour faire étalage de sa connaissance des dossiers, mais aussi pour instruire le procès en incompétence de certains de ses rivaux, dans lesquels les républicains rassemblés autour de lui reconnaissent M. Rubio sans qu’il soit nécessaire de le nommer. Le soir même, au cours du huitième débat opposant les principaux candidats du Parti républicain, la critique se transforme en assaut coordonné des gouverneurs, conduits par celui du New Jersey, Chris Christie. Ce dernier se montre impitoyable envers M. Rubio, souvent critiqué pour répéter mécaniquement les mêmes éléments de langage

« Les trente secondes de discours mémorisé qu’on pratique à Washington ne vous préparent pas à être président des Etats-Unis », lance M. Christie à M. Rubio, qui vient, en quelques minutes, de répéter les mêmes critiques à l’encontre du président Barack Obama pour éviter de détailler ce qu’il pourrait présenter comme un bilan personnel. Rick Santorum, candidat jusqu’à sa déroute dans l’Iowa et désormais soutien de M. Rubio, avait déjà été incapable de citer un seul de ses accomplissements, deux jours plus tôt, sur la chaîne MSNBC.

MM. Christie et Bush, bien plus à leur avantage lors du débat de samedi que lors des premières joutes, misent beaucoup sur le New Hampshire, tout comme un autre gouverneur, John Kasich, de l’Ohio. Un revers cuisant condamnerait leur entreprise, mais s’ils parviennent à rester dans la course, le camp des modérés, dans lequel se compte également M. Rubio, restera durablement divisé face à M. Cruz et face à Donald Trump. En cas de victoire de ce dernier le 9 février, comme semblent l’indiquer les intentions de vote, la course républicaine restera aussi incertaine que fratricide.

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