A Race Full of Question Marks

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Une course en points d’interrogation

Survivra, survivra pas. Après les caucus de l’Iowa, Donald Trump retombe sur ses pieds dans le New Hampshire, pendant que Bernie Sanders, tirant le Parti démocrate à gauche, a remporté contre Hillary Clinton une victoire nettement plus décisive que les sondages ne l’avaient prévu. En tirer du sens ? On y verra — peut-être — plus clair à l’issue du « super mardi » du 1er mars prochain. En attendant, cela restera une course atypique, toute en points d’interrogation.

Les résultats des primaires de mardi dans l’État du New Hampshire soulèvent au moins deux questions : d’abord, comment expliquer que le discours de peur et de dénigrement tenu par Donald Trump, qui l’a remporté avec 35 % des voix contre une panoplie éclatée de candidats républicains, soit si bien reçu dans un État qui, avec un taux de chômage inférieur à 4 %, compte pourtant parmi les plus sains économiquement de tout le pays ?

Réponse incomplète, mais forcément inquiétante : les sondages de sortie des urnes disaient mercredi dansle New York Times que M. Trump avait particulièrement bien fait auprès des électeurs qui apprécient son « parler franc » anti-establishment et ses positions xénophobes à l’égard des musulmans et des immigrants illégaux. Voici donc un électorat qui, par une espèce de réaction insulaire à tout ce qui menace ses rives, en oublie pour ainsi dire sa réalité sociale objective et se conforme au climat de colère général.

Seconde question : comment s’explique le fait qu’Hillary Clinton n’ait pas su mieux rallier le vote des femmes ? Ce sont elles qui lui avaient permis de remporter la primaire démocrate du New Hampshire contre Barack Obama en 2008. Le « socialiste » Sanders n’a pas seulement réussi, comme aux caucus de l’Iowa la semaine dernière, à rameuter massivement le vote des jeunes, il a récolté, contre toute attente, la part majoritaire du vote féminin (55 % des voix contre 45 % pour Mme Clinton).

On n’exagère pas la portée de la défaite que vient de subir Mme Clinton (avec 38 % des voix contre 60 % pour M. Sanders) en affirmant qu’elle sort de ces primaires en meneuse blessée. M. Sanders est parvenu depuis son entrée dans la course à l’investiture démocrate à mobiliser la gauche du parti avec une efficacité phénoménale et, pour l’instant, Mme Clinton n’a pas pu grand-chose contre cette vague de fond. Que même l’électorat féminin lâche une candidate expérimentée qui défend, du reste, des positions progressistes et qui a des chances de devenir la première présidente des États-Unis en dit long sur les perceptions très négatives que ne cessent de marteler les sondages à son sujet : à savoir qu’elle n’est tout simplement pas digne de confiance.

Si le New Hampshire, cela dit, ouvre le bal des primaires et que ses résultats ont, dans l’histoire, souvent donné le ton, il ne constitue pas pour autant le fin mot du processus. Les caucus et les primaires passent d’ici le 1er mars par la Caroline du Sud, le Nevada et les treize États où se tiendra d’un seul coup le « super mardi ». Autant d’États démographiquement plus noirs et plus hispaniques, c’est-à-dire moins uniformément blancs, où les sondages donnent à penser que Mme Clinton rebondira.

La course est plus compliquée du côté républicain, et plus troublante. L’establishmentdu parti espérait que les primaires du New Hampshire feraient émerger un candidat susceptible de rassembler les républicains modérés pour faire obstacle, d’une part, à Donald Trump et, de l’autre, à l’archiconservateur Ted Cruz. Or, les trois candidats dits modérés — John Kasich, Jeb Bush et Marco Rubio — se sont partagé les votes à hauteur de 10 % à 15 % chacun. Et il est peu probable que des primaires qui se tiendront dans une semaine et demie en Caroline du Sud, où M. Trump domine là encore dans les sondages, émanera une solide contre-candidature.

Les courses à l’investiture sont cette année d’autant plus atypiques qu’elles donnent lieu, surtout de la part de M. Trump, à des promesses particulièrement invraisemblables. Encore peut-on se demander comment M. Sanders, pour lequel nous ne cacherons pas nos sympathies, vu la nature de sa contestation du « système », s’y prendrait pour « briser les grandes banques », comme il se plaît à le répéter.

Dans le monde selon Trump, une promesse parmi d’autres verrait les États-Unis déporter tous les illégaux et construire sur la frontière un mur dont ils enverraient la facture au Mexique ! Par quel mécanisme électoralo-mental tant d’Américains prétendent-ils que cela est plausible ? Qu’il devienne président, Dieu nous en protège, et la réalité lui fermerait le caquet, bien entendu.

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