Trump, du cauchemar à la réalité
Après avoir remporté la primaire de Caroline du Sud samedi, plus rien ne semble pouvoir empêcher le milliardaire new-yorkais d’obtenir l’investiture républicaine pour la présidentielle américaine. Et ce, malgré ses tonitruantes déclarations racistes et sexistes.
L’histoire est de son côté. Aucun candidat n’a jamais remporté l’investiture républicaine sans gagner soit la primaire du New Hampshire soit de la Caroline du Sud. En moins de deux semaines, Donald Trump vient de rafler les deux avec une large avance sur ses poursuivants. Désormais, le doute n’est plus permis : oui, le milliardaire new-yorkais, populiste et provocateur pourrait représenter le camp conservateur lors de l’élection présidentielle du 8 novembre. Samedi, dans le premier Etat du Sud à se prononcer dans ce long processus de primaires, le magnat de l’immobilier a réitéré sa performance du New Hampshire, en s’imposant dans presque toutes les catégories d’électeurs : hommes et femmes, conservateurs et modérés, républicains et indépendants. Hormis les 17-29 ans, qui lui ont préféré de justesse Ted Cruz, Trump est arrivé en tête dans toutes les tranches d’âge. Quant au niveau d’éducation, seuls les électeurs titulaires d’un doctorat lui échappent, au profit de Marco Rubio. Avec son discours antisystème, Trump séduit donc dans toutes les franges de l’électorat républicain, même s’il obtient son meilleur score parmi la population blanche sans diplôme universitaire.
«Mexicains violeurs»
Fatiguée d’entendre parler de reprise économique sans en sentir les effets concrets, cette classe moyenne blanche adhère au message radical de Trump qui promet de «rendre sa grandeur à l’Amérique», d’expulser les millions d’immigrés illégaux et de secouer les élites de Washington. Les sondages de sortie des urnes réalisés samedi en Caroline du Sud illustrent à la fois le ras-le-bol des électeurs conservateurs et les espoirs qu’ils placent en Donald Trump pour y répondre. Parmi les 48 % d’électeurs souhaitant un président qui ne serait pas issu de l’establishment, 63 % ont voté pour le milliardaire. Quant aux 40 % des votants en colère contre la manière dont fonctionne le gouvernement fédéral, ils sont 44 % à soutenir le New-Yorkais. Echappant à toute logique, à toute grille de lecture, ce dernier se permet des attaques et des provocations qui seraient fatales à tout autre candidat.
Mais jusqu’à présent, rien de ce qu’il peut dire ne semble avoir d’impact sur lui. Ni ses attaques contre les «Mexicains violeurs», ni son appel à interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis, ni son imitation insultante d’un journaliste handicapé. La semaine dernière, Trump s’en est pris violemment à George W. Bush, l’accusant d’avoir menti sur la guerre en Irak et de n’avoir pas su empêcher les attentats du 11 Septembre. L’attaque était périlleuse en Caroline du Sud, Etat où vivent de nombreux militaires et vétérans, et où la famille Bush reste très populaire. On connaît le résultat.
Arrivé deuxième dans l’Iowa, vainqueur dans le New Hampshire et en Caroline du Sud, le magnat de l’immobilier continue en outre de bénéficier de l’éparpillement des voix dû au grand nombre de candidatures. Même après l’abandon de Chris Christie (gouverneur du New Jersey) et de Carly Fiorina (ancienne de Hewlett-Packard), six candidats étaient encore en lice pour la primaire de samedi. Cela a permis à Trump de l’emporter – et de rafler l’intégralité des 50 délégués en jeu – avec moins d’un tiers des suffrages (32,5 %). Au sein de l’establishment du parti, on veut encore croire que Marco Rubio puisse incarner une alternative crédible au milliardaire. Le jeune sénateur de Floride pourrait certes bénéficier de l’abandon de son ex-mentor, Jeb Bush (lire page 4), mais ce dernier plafonnait à 5 % dans les sondages nationaux. Insuffisant pour changer la donne, d’autant que Rubio doit également faire face à l’ultraconservateur sénateur du Texas Ted Cruz, solidement installé sur le podium. Quant au gouverneur modéré de l’Ohio, John Kasich, il semble déterminé à rester en course jusqu’au 8 mars. Au risque d’aider Trump à solidifier son avance. «Tout le monde sans exception doit se ranger derrière Marco Rubio immédiatement pour lancer une contre-révolution soudaine et massive», estime ainsi l’historien conservateur Timothy Stanley.
«Fantastiques»
Trump, lui, affiche sa confiance. Devant une foule enthousiaste, samedi, il s’est moqué des «génies» de la télévision, ces «commentateurs qui disent que si certains candidats abandonnent et que vous additionnez leurs scores, cela fera le score de Trump. Ils ne comprennent pas que si des gens jettent l’éponge, je récupérerai aussi une bonne partie de ces votes». Dans son style habituel, le milliardaire s’est dit confiant dans sa performance dans le Nevada, mardi – «Nous allons être fantastiques» – et pour le Super Tuesday du 1er mars, où une dizaine d’Etats voteront le même jour – «Nous allons être très, très bons».
Fort de ses résultats dans les trois premiers scrutins et de sa solide avance dans les sondages nationaux, Trump semble de plus en plus convaincu qu’il remportera la nomination. Certaines de ses déclarations indiquent d’ailleurs qu’il prépare le terrain pour un duel avec Hillary Clinton en novembre. Ses vives critiques contre George W. Bush et la guerre en Irak sont un exemple. Il sait qu’en 2003, Hillary Clinton, alors sénatrice de New York, avait soutenu l’intervention américaine, ce que son rival démocrate, Bernie Sanders (lire page 4), lui reproche d’ailleurs régulièrement. Etonnamment, ce n’est pas le seul sujet sur lequel Sanders et Trump s’accordent. Comme le sénateur du Vermont, le milliardaire s’oppose aux accords de libre-échange, en opposition avec l’orthodoxie ultralibérale des républicains. Ces dernières semaines, ses adversaires pour la primaire, Ted Cruz en tête, n’ont d’ailleurs cessé de l’attaquer sur son manque de conservatisme. En vain, pour le moment.
La course républicaine est-elle pliée ? Cette campagne hors norme invite à la prudence. Pour l’heure, seuls 4 % des délégués chargés de désigner le candidat républicain lors de la convention du parti ont été désignés. Le Super Tuesday devrait permettre d’y voir plus clair puisque près de 600 délégués (plus du quart du total) seront attribués. Niall Stanage note sur le site The Hill : «Si la candidature de Trump ne s’effondre pas comme un château de cartes au cours des dix prochains jours – et il y a peu de chance que cela arrive, compte tenu du nombre de tempêtes qu’elle a déjà traversées -, cela deviendra très difficile de voir comment l’un de ses rivaux pourra l’empêcher de devenir le porte-étendard du parti.»
Bientôt le Super Tuesday
Quatre Etats ont lancé la saison des primaires présidentielles : l’Iowa, le New Hampshire, le Nevada et la Caroline du Sud. Les prochains rendez-vous sont un caucus des républicains dans le Nevada mardi, puis la primaire démocrate en Caroline du Sud, samedi. Le 1er mars, lors du Super Tuesday, se dérouleront des primaires dans de nombreux Etats du Sud (Alabama, Arkansas, Géorgie, Oklahoma, Tennessee, Texas, Virginie) ainsi que dans le Massachusetts, Minnesota, Vermont et Colorado. Après quelques autres primaires, l’autre grand rendez-vous du mois sera le 15 mars avec un vote dans plusieurs grands Etats (Floride, Illinois, Ohio, Missouri, Caroline du Nord). L’Etat de New York votera, lui, le 19 avril et la Californie le 7 juin.
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