Quand tu attises année après année la colère et le mépris à l’égard de tes propres institutions, il arrive, un jour ou l’autre, une catastrophe comme Donald Trump.
Vu d’un pays comme le Canada, où le premier ministre n’hésite pas à se proclamer féministe et à porter une chemise rose, on pourrait se croire à l’abri d’un phénomène comme Trump.
C’est oublier un peu vite que Stephen Harper, pas plus tard que l’automne dernier, employait des stratégies inspirées des républicains américains pour se faire réélire à la tête du pays. Qu’on se souvienne des publicités négatives contre Justin Trudeau ou encore de la stratégie du niqab, un classique de la politique de division.
Mais tout cela n’est rien comparé à Trump.
Sous nos yeux ahuris, le milliardaire américain est en train de contaminer de manière radicale l’environnement démocratique aux États-Unis, sans que cela nuise le moins du monde à ses chances de remporter l’investiture républicaine.
Il insulte ses adversaires de la manière la plus offensante qui soit. Il multiplie les déclarations xénophobes. Il crache sur les médias traditionnels et l’establishment. Trump a rabaissé le niveau intellectuel du débat politique aux États-Unis à celui d’une téléréalité. Et ses partisans d’applaudir à tout rompre, d’en demander encore et encore!
À force de multiplier les déclarations incendiaires sans en subir la moindre conséquence, Trump est en train de rendre envisageable ce qui, hier encore, était impensable.
Quand il a déclaré qu’il pourrait tirer sur quelqu’un en pleine rue, à New York, et qu’il ne perdrait pas un vote, les commentateurs ont cru qu’il venait de signer son arrêt de mort politique. Il a plutôt remporté la majorité des États à l’enjeu lors du Super Tuesday des primaires américaines.
Comment un milliardaire vaniteux, raciste et populiste a-t-il pu connaître une ascension aussi fulgurante au coeur même de la plus grande démocratie du monde?
Pour toute une frange de l’électorat écoeuré des discours vaseux des politiciens, Trump a l’air de dire les choses telles qu’elles sont. Même si c’est une illusion, même si son discours est souvent aussi faux que sa promesse simpliste de construire un mur à la frontière mexicaine pour endiguer les flots d’immigrants illégaux.
Pour les partisans de Trump, l’important n’est pas tant que leur héros dise la vérité. L’essentiel, c’est le doigt d’honneur qu’il brandit bien haut en direction de l’establishment. Le discours réducteur de Trump a quelque chose de rassurant dans un monde que les républicains s’échinent avec application à dépeindre comme dangereux et rempli de périls. À force de tenir un discours qui démonise l’État et ses institutions, on finit par éroder ses fondations.
Trump est comme un virus qui contamine l’Amérique. Le Canada est menacé par la contagion.
Une démocratie repose sur un million d’infimes petites choses tenues pour acquises. Chaque fois qu’un politicien, un commentateur ou un acteur de la scène publique verse dans le populisme ou dans la démagogie, qu’il prend des raccourcis intellectuels, qu’il verse dans la politicaillerie ou dans les guerres de clocher, il vient éroder un peu plus ces millions de petites choses qui font de nous une civilisation.
Un jour, cette lente érosion se transforme en un gigantesque glissement de terrain.
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