L’objectif d’une guerre n’est pas de bombarder. Il est de peser sur un rapport de force pour favoriser un règlement politique favorable à ses intérêts. En ce sens, l’engagement des Etats-Unis en Syrie s’est caractérisé jusqu’ici par sa stérilité. Si le gouvernement américain combat des ennemis clairement identifiés, le régime de Damas et les djihadistes de l’Etat islamique, il ne dispose pas d’alliés suffisamment proches et puissants sur place pour espérer récolter les fruits d’un éventuel succès militaire.
La Maison Blanche a espéré un temps la victoire d’une force fréquentable comme l’Armée syrienne libre, une association d’officiers déserteurs caractérisés par leur nationalisme et leur discours démocratique. Mais ce mouvement a perdu rapidement de son influence, au profit de diverses organisations djihadistes soutenues généreusement par certains pays de la région, divers Etats du Golfe dans le domaine financier et la Turquie en matière logistique.
L’administration Obama a bien essayé de favoriser quelques alliés locaux. Mais à ce jeu elle a essuyé défaite sur défaite. Une partie substantielle des équipements qu’elle a livrés à ses protégés s’est retrouvée entre les mains des grandes organisations djihadistes, à commencer par le Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. Quant aux combattants qu’elle avait projeté de former dans des pays sûrs avant de les lancer sur le champ de bataille syrien, ils se sont évaporés. Sur les 5000 prévus en 2015, une cinquantaine sont arrivés sur le terrain pour être aussitôt pris pour cible. Seuls quatre ou cinq d’entre eux auraient survécu…
Il reste aux Etats-Unis un important allié local, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), émanation du Parti de l’union démocratique (PYD). Cette force a pour elle de se distinguer clairement à la fois du régime de Damas et des différentes formations djihadistes présentes en Syrie. Mais elle pose également problème à Washington.
Représentant d’une minorité ethnique confinée dans le nord du pays, le Parti de l’union démocratique a essentiellement des ambitions locales et ne représente pas une alternative sérieuse à l’actuel régime de Damas. Surtout, il est la bête noire de la Turquie, farouchement opposée à l’émancipation des Kurdes du monde arabe, de peur qu’elle ne favorise celle de ses propres Kurdes. Ce d’autant qu’il constitue la branche locale du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre Ankara en Anatolie. Or, la Turquie est un partenaire stratégique des Etats-Unis. Plus même: elle est étroitement liée à eux au sein de l’OTAN. L’administration américaine se trouve ainsi dans une situation impossible, où son meilleur ami local est le pire ennemi de son plus grand allié régional.
Les Etats-Unis suivent une stratégie si boiteuse que les principaux ennemis de leurs ennemis, le Front al-Nosra en guerre contre le gouvernement de Damas et le Parti des travailleurs du Kurdistan opposé à l’Etat islamique, figurent sur leur liste officielle des organisations terroristes. Quinze ans après avoir déclaré une guerre mondiale «à la terreur», ils ont là aussi perdu de vue leur objectif. Et réduit d’autant leur chance de victoire.
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