Donald Trump fait trembler les écoliers
Intimidation, montée de la peur et de l’anxiété : la campagne présidentielle américaine a des effets directs sur l’ambiance des classes du pays. Une étude dénonce l’« effet Trump ».
Alors que tous les quatre ans, à l’occasion de l’élection présidentielle, les professeurs des écoles américaines avaient pris l’habitude de dispenser à leurs élèves des cours de démocratie et de citoyenneté, cette année ils marchent sur des oeufs. En cause : l’« effet Trump ».
« Prononcer le nom “Trump” », c’est assez pour faire dérailler une classe », relève une enseignante, dans une étude menée par Teaching Tolerance, une section de l’organisation active pour les droits civiques Southern Poverty Law Center, basée en Alabama. Son étude, baptisée « Trump Effect », se fonde sur un questionnaire mis en ligne qui a été rempli sur une base volontaire par 2000 instituteurs de primaire et de secondaire, et ne prétend donc pas être représentative. Il n’empêche.
Selon plus des deux tiers des enseignants, les élèves ont des doutes ou des peurs quant à ce qui pourrait se passer pour eux ou leur famille après les élections, et plus d’un tiers ont constaté une montée du sentiment anti-musulmans et anti-immigrants dans leurs classes.
Élèves tourmentés
« Les élèves entendent plus de langage de haine que jamais auparavant », explique un professeur du Montana. « Ils pensent que tout le monde les déteste », souligne un de ses collègues.
« Est-ce que le mur [que Donald Trump projette de faire construire entre le Mexique et les États-Unis] est déjà là ? » : la question est fréquente, note le rapport. Les enfants expriment souvent l’angoisse d’être déportés ou que leur famille soit séparée. Certains ont peur de perdre leur maison, de devoir vivre cachés, ou même d’être envoyés dans des camps de détention.
Les élèves aux origines latines et musulmanes sont particulièrement tourmentés. L’ambiance a changé dans les classes, selon l’étude. Beaucoup de ces enfants sont effrayés, mais également « blessés » et « déprimés ». « Ces enfants d’immigrés ont l’impression de ne plus appartenir à ce pays, de ne pas avoir de valeur. »
Les écoliers noirs se sentent eux aussi visés. Certains d’entre eux demandent à leurs professeurs s’ils seront déportés en Afrique ou même si l’esclavage sera rétabli, comme le mentionne le rapport.
D’autres enfants prennent parti, créant de la tension dans les classes. « Des enfants disent aux autres qu’ils seront bientôt expulsés, relate un professeur, menaçant leurs camarades : « quand Trump gagnera, toi et ta famille, vous allez être renvoyés chez vous ». » « Un enfant a dit qu’il soutenait Donald Trump parce qu’il tuerait tous les musulmans s’il devenait président », rapporte une enseignante de secondaire.
« Entendre “sale Mexicain” est devenu commun dans l’école où j’enseigne. Avant la campagne, je n’avais jamais entendu cette insulte », explique un professeur du Wisconsin. Faire des commentaires négatifs, dénigrer et intimider est devenu habituel dans de nombreuses écoles du panel. Plus de la moitié des professeurs interrogés notent une montée de propos racistes, ressortis des discours politiques.
Hostilité et colère
Si la campagne politique a des échos dans les classes, la place n’est pas au débat. « Les élèves sont devenus très hostiles aux points de vue différents des leurs, peu importe le sujet traité. Toute division suscite désormais de la colère et des attaques personnelles », souligne un instituteur de l’État de Géorgie. Un de ses collègues de New York explique que dès que le nom de Trump apparaît, « les élèves des deux camps s’énervent ».
Face à cette ambiance délétère, deux tiers des professeurs interrogés ont décidé de changer leur programme habituel, ne se contentant plus de parler de droits civiques et de démocratie. Parmi eux, une majorité a choisi, cette année, de parler des élections avec leurs élèves en changeant d’optique. Certains d’entre eux ont mis de côté la neutralité : « J’ai clamé haut et fort ce que je pensais de certains candidats, ce que je n’avais jamais fait auparavant. Mais je sens que mon devoir est d’agir contre l’ignorance », explique un professeur. D’autres ont préféré cibler des aspects particuliers de la campagne, la rhétorique par exemple. « Mes élèvent doivent savoir que ce à quoi ils sont en train d’assister n’est pas acceptable », explique un professeur de Washington. Enfin, se sentant impuissants, d’autres professeurs ont décidé d’écarter totalement la campagne de leurs cours. Le sujet menant à des controverses trop importantes, cette cinquantaine de professeurs de l’échantillon a baissé les bras et avoue qu’ils tenteront, tant bien que mal, de fuir ce sujet pourtant omniprésent.
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