Why Trump’s America Is Rejecting Globalization

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Aux Etats-Unis, pour la première fois depuis l’élection présidentielle de 1940 et la victoire de Franklin D. Roosevelt sur le républicain Wendell Willkie, on devrait retrouver, en novembre 2016, un face-à-face entre une démocrate interventionniste et un républicain isolationniste. 1940-2016… Ces deux positions sont toutes deux l’expression du nationalisme américain et se sont succédé avec régularité depuis la naissance de la République jusqu’à l’entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Comment, en 2016, interpréter cette résurgence isolationniste ? Comment expliquer que Donald Trump puisse être défini par certains commentateurs américains comme un jacksonien moderne, du nom d’Andrew Jackson, le septième président des Etats-Unis, de 1829 à 1837 ? Une comparaison flatteuse… et trompeuse : Jackson était d’abord un militaire glorieux. Le modèle que Donald Trump se donne est tout simplement lui-même, celui d’un PDG à succès.

Etre populiste, c’est très à la mode en 2016 ; être protectionniste, passe encore, même si c’est un non-sens économique ; mais être isolationniste lorsqu’on aspire à devenir président de la première puissance mondiale, de celle qui exerce encore des responsabilités internationales uniques, n’est-ce pas une contradiction dans les termes ? Même si isolationnisme et interventionnisme sont deux expressions du nationalisme ?

Mais le nationalisme peut prendre deux visages. L’un consiste à ériger des murs, l’autre à construire des ponts. Il est clair que Donald Trump se situe dans la première tradition, Hillary Clinton dans la seconde. Celle qui deviendrait la première femme présidente de l’histoire des Etats-Unis est profondément « classique » dans son rapport au monde. Plus spontanément interventionniste que Barack Obama, elle se situe en matière de politique étrangère dans la lignée de son époux, sinon de Ronald Reagan, mélange d’idéalisme humaniste et de pragmatisme plus froid. Le fait nouveau, et même révolutionnaire, de l’élection de 2016, est qu’un personnage aussi profondément anachronique sur le plan de la pensée stratégique puisse être devenu le candidat du Parti républicain, en dépit ou plutôt grâce au caractère outrancier de ses propos.

La raison profonde de cette évolution tient sans doute au rapport de l’Amérique elle-même à la mondialisation. On disait, dans les dernières années du XXe siècle, que les Etats-Unis étaient les grands bénéficiaires de la mondialisation. C’était vrai, objectivement. Mais telle n’est plus la perception d’une partie importante des citoyens américains qui se considèrent désormais comme des victimes de la mondialisation et qui entendent – en se ralliant au discours isolationniste et protectionniste de Trump – se protéger d’un processus qu’ils ne semblent plus contrôler. L’Amérique peut avoir reconquis la croissance, son taux de chômage peut faire rêver la plupart des pays européens, une réalité statistique annule tout cela : plus de 80 % des Américains n’ont pas retrouvé le niveau de vie qui était le leur en 2007, avant que la crise financière puis économique ne frappe leur pays.

Ils n’en accusent pas seulement leurs dirigeants politiques actuels, liant au passage frustrations économiques et préjugés racistes – « que pouvions-nous attendre d’un président noir ? » -, ils en rendent responsables le monde dans son ensemble. Les Chinois, qui se livrent à une concurrence injuste – même si le coût de leur main-d’oeuvre a beaucoup augmenté ces dernières années. Les Européens, qui ne font rien ou si peu pour partager le fardeau de leur sécurité. Des pays du Moyen-Orient, qui pour vous remercier de votre aide se retournent de facto contre vous et financent presque ouvertement les terrorismes.

Tout n’est pas faux dans ce diagnostic, bien sûr. Il y a des accents à la Reagan dans les proclamations de Trump sur « l’Amérique et les Américains d’abord ». Mais il y a, chez Trump, un mélange de nationalisme, de repli sur soi, de populisme et surtout de narcissisme : « la clef de mon programme, c’est moi-même, mon énergie, mon savoir-faire d’entrepreneur », qui évoquerait presque parfois certains accents de Nicolas Sarkozy. Un accent nouveau qui reflète l’évolution des émotions du monde contemporain.

Au début des années 1960, John F. Kennedy encourageait les Américains à se demander ce qu’ils pouvaient faire pour l’Amérique. Il était « Berlinois » au côté des Allemands de l’Ouest dans le contexte de la guerre froide. Il se présentait comme l’héritier direct des pères fondateurs, même si son catholicisme et ses origines irlandaises détonnaient quelque peu dans cette lignée. Il présentait l’Amérique sous un visage jeune, élégant, presque aristocratique. Donald Trump est l’antithèse absolue de Barack Obama et de JFK tout à la fois. Le regard que Trump porte sur le monde peut apparaître, vu sous l’angle de la rationalité pure, comme totalement contradictoire, sinon incohérent. Mais, alors que de la Grande-Bretagne, à l’ombre du Brexit, aux Etats-Unis, à l’ombre de la candidature de Trump, le monde semble confronté au triomphe des émotions les plus négatives, ne négligeons pas, ne négligeons plus les risques de fuite en avant, dans des comportements profondément irrationnels, de la première puissance militaire mondiale.

Certes, la démographie américaine finira, on l’espère, par constituer la meilleure des protections contre Donald Trump. Il devrait en effet avoir contre lui l’immense majorité des Noirs, la grande majorité des Hispaniques et des femmes, sans parler du rejet viscéral de sa personne et de ses positions par les classes éduquées et prospères. Mais nous ne pouvons plus balayer ses visions de politique étrangère d’un simple revers de la main. Nous l’avons fait trop longtemps hier, nous en payons le prix aujourd’hui. Le temps de l’arrogance intellectuelle, sinon sociale, est fini.

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