Pour être devenu le premier président américain en exercice à se rendre à Hiroshima, Barack Obama a posé un geste d’une ampleur symbolique incontestable. Et s’il était entendu qu’il n’allait pas présenter d’excuses en bonne et due forme, il reste au moins que le seul fait de sa présence et de sa rencontre avec des survivants constituait une reconnaissance du mal et de la douleur que les États-Unis ont semés quand, pour reprendre les mots qu’il a prononcés vendredi, « la mort est tombée du ciel » le 6 août 1945.
La valeur symbolique du geste masque cependant très mal le fait que les avancées accomplies par la communauté internationale, et les États-Unis au premier chef, demeurent fort fragiles et relatives en matière de désarmement nucléaire.
Dans son premier grand discours de politique étrangère, prononcé en avril 2009 à Prague, et abondamment cité ces derniers jours, M. Obama avait claironné l’« engagement américain »à travailler à construire « un monde sans armes nucléaires ». Il est nécessaire, avait-il déclaré, d’« ignorer les voix qui nous disent que le monde ne peut changer ».
Ces voix sont encore puissantes.
Certes, des efforts ont été faits. M. Obama à peine élu, Washington parvenait avec Moscou à un nouvel accord de réduction de leurs arsenaux nucléaires. Il se trouve ensuite que le rôle des armes nucléaires a été réduit dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis. Puis, l’année dernière, M. Obama signait l’une des plus grandes réussites de sa présidence avec la conclusion d’un accord international sur le nucléaire avec l’Iran.
Mais, contredisant radicalement ses appels à la dénucléarisation militaire, le président a par ailleurs acquiescé à un vaste programme de modernisation de l’armement nucléaire américain, au coût faramineux de mille milliards sur trente ans. Question de calmer le Congrès à majorité républicaine. Non plus que M. Obama ne sera parvenu à convaincre la Chine, l’Inde et le Pakistan à ouvrir des discussions qui étaient destinées, non pas à réduire leurs arsenaux, mais à simplement freiner leur croissance.
Avec le résultat qu’il existe toujours 15 000 armes nucléaires dans le monde. Et qu’au vu de la résurgence des tensions russo-américaines et du risque que des organisations terroristes mettent la main sur des armes nucléaires, « le danger d’une catastrophe nucléaire est aujourd’hui plus grand qu’il ne l’était pendant la guerre froide », a même prétendu l’ancien secrétaire à la Défense William Perry.
M. Obama a affirmé vendredi à Hiroshima qu’il faudra une « révolution morale » pour en finir avec les armes nucléaires. Ça ne suffira pas. Il faudra aussi qu’elle soit politique et économique.
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