« Je vais annuler l’accord de Paris sur le climat. » Donald Trump, candidat républicain à la Maison Blanche, s’est une fois de plus illustré par ses promesses tonitruantes, jeudi 26 mai, lors d’une conférence de presse à Bismarck, dans le Dakota du Nord. « Cet accord donne à des bureaucrates étrangers le contrôle sur la quantité d’énergie que nous pouvons consommer dans notre pays », a-t-il précisé, estimant par ailleurs que les efforts pour limiter le changement climatique vont « tuer l’emploi et le commerce ». « Le gouvernement fédéral doit se tenir à l’écart du secteur de l’énergie », a-t-il aussi jugé.
A Bonn, où s’est achevée le 26 mai la session annuelle des négociations de l’ONU sur le climat, les délégations ne semblent pas effrayées par ce « Trump factor » (l’« hypothèse Trump »). « Un gouvernement américain hostile ne serait évidemment pas une bonne nouvelle, estime l’ambassadrice française Laurence Tubiana, mais il ne ferait pas dérailler l’accord de Paris. »
Dynamique sino-américaine
Si les délégués du monde entier gardent un œil ouvert sur la politique américaine, c’est surtout parce que les Etats-Unis et la Chine, les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde, auraient la capacité d’entraîner dans leur roue d’autres pays. L’accord ne rentrera en vigueur qu’une fois ratifié par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales. Lors de la cérémonie de signature organisée par les Nations unies, le 22 avril à New York, Washington et Pékin ont annoncé vouloir ratifier le texte avant la fin de l’année.
Elu président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump pourrait-il réellement « annuler » cet accord international destiné à maintenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C ? Non, ou en tout cas pas tout de suite. Sa principale marge de manœuvre réside dans l’article 28 du document validé le 12 décembre à l’issue de la COP 21 à Paris. Celui-ci permet à chaque « partie » (les 195 pays engagés par le document et l’Union européenne) de dénoncer l’accord, c’est-à-dire de s’y soustraire, « à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord ». « Cette dénonciation prend effet à l’expiration d’un délai d’un an » à compter de la démarche de retrait, précise le deuxième alinéa du même article.
Quatre ans pour sortir de l’accord
Trois plus un égale : quatre ans. Donald Trump pourrait donc difficilement finaliser cette procédure de sortie de l’accord de Paris avant la fin de son (éventuel) premier mandat, de quatre ans aussi, aux Etats-Unis. Si l’accord est déjà entré en vigueur au moment de sa démarche, la procédure du politicien républicain constituerait par ailleurs une violation du droit international par les Etats-Unis, « partie à l’accord », donc censés s’y conformer.
Dans ces conditions, Barak Obama, qui a fait de la lutte contre le changement climatique l’une des priorités de son deuxième mandat, a tout intérêt à presser le pas. Si le président tarde à rédiger un executive agreement, un document qui permet au pouvoir exécutif de s’exonérer d’un vote par le Congrès (au nom de la compétence de l’Etat fédéral en matière de politique étrangère), c’est sans doute pour disposer d’un dossier juridique le plus solide possible.
Car l’administration Obama s’attend à des attaques juridiques virulentes lorsque l’aval présidentiel sera officialisé. Elle pourrait voir se dresser face à elle une résolution défavorable du Congrès, qui ne bloquerait pas le processus mais porterait un coup politique au président sortant.
Pouvoir de la Cour suprême
Un autre risque réside, selon l’avocat expert en droit du climat Matthieu Wemaëre, dans une remise en cause par la Cour suprême du recours à l’executive agreement.
Une procédure judiciaire est en cours, rappelle-t-il, qui a déjà abouti à la suspension par la Cour suprême – dans l’attente d’un jugement sur le fond prévu en juin – de son Clean Power Act (« plan pour une énergie propre »). Annoncé six mois avant la COP21, ce plan est la pierre angulaire de la contribution américaine à l’effort international contre le réchauffement, et prévoit une réduction de 32 % d’ici à 2030 des émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, sur la base de celles enregistrées en 2005.
Cette suspension est motivée par une procédure de justice intentée par 27 Etats majoritairement républicains et par des industriels, qui demandent l’arrêt pur et simple de ce plan climat. Ils estiment en effet que l’agence fédérale chargée de veiller à l’application du plan, l’Environmental Protection Agency, outrepasse ses droits dans des affaires relevant selon eux de la seule responsabilité des Etats.
Il s’agit donc d’« une contestation du positionnement d’Obama », selon qui ce qui a trait aux émissions de CO2 est sous la compétence fédérale, explique M. Wemaëre. Ceci dit, le risque est à nuancer, car « il y a une tradition dans les démocraties occidentales de ne pas déroger à la parole donnée par son prédécesseur en matière de traités internationaux », poursuit-il.
Une remise en cause de l’executive agreement est improbable, estime également Kyle Ash, spécialiste des questions climatiques de l’ONG Greenpeace aux Etats-Unis. S’en remettre à la décision du Congrès irait à l’encontre du « penchant autoritariste » de Trump, et il n’y a de toute façon « aucune raison légale que le Congrès soit impliqué dans cet accord », étant donné qu’il ne nécessite « aucune nouvelle législation nationale ».
Pour Kyle Ash, la promesse du candidat républicain envoie surtout un message politique. Donald Trump cherche clairement à « flatter les intérêts de l’industrie fossile et ses électeurs de droite ».
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