Reunite the Family

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PARTI DÉMOCRATE

Réunifier la famille

9 juin 2016 |Guy Taillefer | États-Unis

Et maintenant, les négociations de paix. Hillary Clinton est devenue mardi la première femme candidate à l’élection présidentielle des États-Unis. Ne lui reste qu’à en obtenir la confirmation à la convention de Philadelphie, fin juillet. Pour Bernie Sanders, le défi est de poursuivre sa croisade « socialiste » au sein du Parti démocrate en faisant attention de ne pas laisser son entêtement profiter par effet pervers à Donald Trump.

Les ponts valent mieux que les murs, a déclaré Mme Clinton dans son discours de victoire à New York, par allusion à l’idée démagogique lancée par le républicain Trump d’emmurer les États-Unis du côté de la frontière mexicaine. Des ponts, justement, il lui faut dans un premier temps en jeter avec son rival immédiat — qui n’a pas tort de se faire tirer l’oreille. Bernie Sanders n’a pas fait preuve d’une très grande classe, dans la foulée de sa décevante défaite de mardi soir à la primaire de la Californie, en évitant ostensiblement de prendre acte de la page d’histoire que venait d’écrire Mme Clinton. Et il serait sans doute dans l’intérêt des positions qu’il défend que sa détermination à rester dans la course n’apparaisse pas comme de l’entêtement déraisonnable. Pour autant, les voix qui vont le presser avec de plus en plus d’insistance de tirer sa révérence, au nom du principe de l’unification partisane contre M. Trump, ne méritent pas d’être écoutées. Du moins pour l’instant.

Dans des circonstances normales, M. Sanders aurait constaté l’avance insurmontable dont dispose sa rivale au décompte des délégués et des superdélégués qui lui sont maintenant acquis et se serait tout de suite rangé, comme l’a fait Mme Clinton face à Barack Obama, il y a huit ans. Or, les circonstances ne sont pas normales. Les États-Unis vivent des moments politiquement transformationnels, à gauche comme à droite.

Bernie Sanders est bien placé pour ne pas s’en laisser imposer. Et Mme Clinton ne sait probablement que trop bien qu’à ne pas accommoder les revendications du mouvement qui s’est formé autour de lui, elle commettrait une erreur.

Couverture de santé universelle, opposition au traité de Partenariat transpacifique, gratuité des études supérieures, augmentation du salaire minimum : tirée à gauche, Hillary Clinton a fini par prendre ses distances du centre démocrate mou et par accréditer, en tout ou en partie, le discours social tenu par son rival. Reste à voir, comme le disait le sociologue Simon-Pierre Savard Tremblay dans un récent Devoir de philo, ce que fera Mme Clinton de cette mobilisation sociale, « au-delà de la récupération à des fins électorales ». À court terme, Sanders a raison de persévérer dans la mesure où c’est sa candidature qui rallie les jeunes Américains, difficiles à mobiliser. Que Mme Clinton ne fasse pas des efforts substantiels pour les rallier et cela rendra service au Parti républicain, qu’un faible taux de participation favorise traditionnellement. Qu’ensuite cette dernière souffre d’un grave déficit de confiance de la part de l’électorat démocrate n’arrange rien. Un récent sondage évaluait à 20 % le nombre de partisans de M. Sanders qui, faute de pouvoir voter pour lui en novembre, reporteraient leur choix sur M. Trump plutôt que sur elle.

Aussi, Mme Clinton a tendu la main à M. Sanders en termes non équivoques, mardi soir. Il ne fait aucun doute, au demeurant, que des « négociations de paix » se sont engagées entre les deux camps, l’objectif parfaitement légitime de M. Sanders (« Notre mission va au-delà de la défaite de Trump, a-t-il dit. C’est la mission de transformer le pays ») étant donc de parvenir à ancrer le plus solidement possible ses revendications dans la vie présidentielle d’une éventuelle administration démocrate. À défaut, la famille va se diviser.

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