United States: Neo-Nazis Lying in Ambush

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Le Parti républicain a longtemps été un club de notables. Un monde d’hommes en costume bleu marine et de dames en robes discrètes. Une Amérique de fervents patriotes, aux convictions solides comme le granit du New Hampshire. Du moins, c’est l’image d’Epinal que le Grand Old Party (GOP) aimerait continuer à présenter à l’Amérique et au monde. Mais voilà, Donald Trump, avec ses mauvaises manières de bateleur et de rebouteux de la politique, est venu tout gâcher. Les rallyes républicains, naguère encore rendez-vous de gens convenables autour de cookies fondants et de ginger ale tiède, se sont transformés en meetings braillards et plébéiens.

Cette captation du GOP par des aventuriers était prévisible. Déjà, avec la nomination en 1964 du sénateur ultra-conservateur Barry Goldwater comme candidat à la présidence, le parti d’Abraham Lincoln et de Dwight Eisenhower s’était encanaillé. Quelques années plus tard, la mise en oeuvre d’une stratégie visant à ravir aux Démocrates la « tribu blanche » des Etats du Sud Profond attira des politiciens et des électeurs au profil inquiétant: nostalgiques de la ségrégation raciale, chrétiens fondamentalistes, intégristes du port d’armes, ayatollahs du laisser-faire. En 2008, l’irruption de Sarah Palin, candidate populiste à la vice-présidence aux côtés du conservateur traditionnel John McCain, et l’essor du Tea Party signifièrent le basculement massif des Républicains dans la politique de l’irrationnel et du ressentiment. Après cela, rien ne pouvait empêcher l’émergence d’un Donald Trump.

Plus gravement encore, cette mue du Parti républicain a réveillé des sentiments extrêmes, nativistes et xénophobes, qui se sont exprimés non seulement dans les attaques de Donald Trump contre les Mexicains et les musulmans, mais aussi dans une résurgence de l’antisémitisme.

Ces dernières semaines, des journalistes juifs opposés à Trump ont été directement visés, comme Jon Weisman du New York Times, par des campagnes de haine sur les réseaux sociaux. La fachosphère s’est même « amusée » à identifier « les Juifs » sur Twitter en entourant leur nom de parenthèses. Ce qui a conduit de nombreux internautes à « se mettre entre parenthèses », en solidarité avec la communauté juive.

Alarmée, la Anti-Defamation League a mis sur pied une équipe de personnalités éminentes, dont Steve Coll, le doyen de l’Ecole de journalisme de Columbia, pour contrer cette offensive antisémite. Le 21 juin, posant un geste symbolique, le vénérable journal juif libéral new-yorkais, The Forward, a suspendu pendant 24 heures sa couverture électorale de Donald Trump, une manière de dire que la campagne du candidat présumé du Parti républicain a contribué à ouvrir les vannes de ce torrent de haine.

Les partisans de Donald Trump ont riposté, en soulignant ses excellentes relations avec la communauté juive: sa fille Ivanka a épousé un juif orthodoxe new-yorkais, Jared Kushner, éditeur du New York Observer, et le riche donateur pro-israélien Sheldon Adelson lui a donné son appui. Toutefois, dans les milieux juifs libéraux, sa campagne électorale est accusée d’avoir créé une atmosphère délétère, dont profite l’extrême droite nationaliste la plus rance. « C’est comme ça que le fascisme arrive en Amérique », écrivait l’intellectuel néo-conservateur Robert Kagan dans le Washington Post.

Même si elle n’a jamais réussi à percer électoralement au sein d’un système cadenassé par les partis démocrate et républicain, l’extrême droite est une constante de l’histoire américaine, du Ku Klux Klan (KKK) à la John Birch Society. Ces dernières années, surfant sur l’hostilité à l’égard de Barack Obama, elle a resurgi, exploitant les frustrations d’une frange de la population blanche, qui se sent fragilisée économiquement, déplacée démographiquement et menacée culturellement.

Un nouveau mot a fait son entrée dans les commentaires politiques, Alt-Right, la « droite alternative ». Cette constellation de suprémacistes et de nationalistes blancs est rejetée par l’Establishment républicain. Le magazine conservateur National Review les traite même de « voyous ». Mais ces nostalgiques de la Confédération sudiste et de l’Afrique du Sud de l’apartheid n’en ont cure, exploitant sans vergogne la « colère populaire » attisée par Donald Trump.

Combien sont-ils? Minoritaires, mais de plus en plus nombreux, selon le Southern Poverty Law Center (SPLC), qui surveille les mouvements extrémistes. Entre 2014 et 2015, le nombre de cercles du KKK a triplé. Les « groupes de haine » sont passés de 487 en 1999 à 892 l’année dernière. En juin 2015, l’assassin de 9 personnes dans une église noire de Charleston, dans l’Etat de Caroline du Sud, s’était réclamé de ces idéologies meurtrières, qui prolifèrent en particulier sur Internet où, protégées par le Premier Amendement de la Constitution, elles alimentent une Toile brune de sites extrémistes.

Ce pourrissement du discours politique déborde des frontières américaines. « Des groupes (néonazis) comme la National Alliance et des sites de haine comme Stormfront ont eu une conséquence directe sur quelques-unes des attaques les plus violentes de loups solitaire au Royaume uni et sur le continent », note le Southern Povery Law Center. Le terroriste norvégien, Anders Behring Breivik, auteur du massacre d’Utoya en juillet 2011, s’en était inspiré. Selon le SPLC, le meurtrier présumé de la députée travailliste britannique, Jo Cox, était lui aussi depuis longtemps à l’écoute de ces milieux extrémistes américains.

Partout, aux Etats-Unis et en Europe, derrière le hi, folks (bonjour, tout le monde) des populistes, l’extrême droite, elle, scande Heil, Volk.

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