Troubling Connections between Trump and Putin

 

 

 

 

 

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Cela a commencé dès la première question posée par un journaliste de la chaîne de télévision Zvezda, qui appartient au ministère de la Défense russe : « Certains aux États-Unis pensent que vous êtes un type mauvais, car vous êtes un ami de la Russie, l’êtes-vous ? » « Pas de commentaire », a répondu dans un sourire crispé Carter Page.

Invité jeudi 7 juillet par la Nouvelle École d’économie de Moscou pour une conférence sur « l’évolution de l’économie mondiale », le conseiller aux affaires internationales de Donald Trump s’en est tenu à sa ligne : ne rien dire qui puisse alimenter davantage les interrogations sur les liaisons troublantes apparues entre le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine et la Russie de Vladimir Poutine.

Lobbyiste patenté

« No comment », a répété M. Page, questionné sur de possibles contacts à un haut niveau lors de sa visite, tandis que son intervention était retransmise en direct par Katehon, un think tank piloté par l’oligarque russe ultraorthodoxe Konstantin Malofeev, le conseiller économique de Vladimir Poutine Sergueï Glaziev, ou bien encore l’idéologue nationaliste et chantre de l’Eurasisme Alexandre Douguine, qui a assuré sur Twitter la promotion de l’invité américain. Depuis mars dans l’équipe des conseillers de M. Trump, M. Page, 44 ans, n’est pas tout à fait un inconnu en Russie.

Envoyé à Moscou en 2004 pour y ouvrir le bureau de Merrill Lynch, quatre ans après avoir été embauché par la banque d’investissement américaine, l’homme y a noué de solides relations d’affaires. Il a notamment conseillé le géant pétrolier Gazprom dans l’une de ses plus importantes opérations financières, le rachat pour 7,4 milliards de dollars, à Shell, en 2007, de Sakhaline 2, un champ d’hydrocarbures dans la mer d’Okhotsk. À cette époque, Vladimir Poutine avait entrepris de rétablir le contrôle par l’État du groupe partiellement privatisé dans les années 1990.

Peu après sa nomination dans l’équipe de campagne du candidat républicain, le conseiller de M. Trump a confié à l’agence Bloomberg avoir reçu dans sa boîte mail nombre de messages « positifs » de ses contacts russes. « Tant de gens que je connais et avec lesquels j’ai travaillé ont été durement affectés par les sanctions », déclarait-il. Lui-même aussi, sans doute, car M. Page, revenu à New York en 2007 pour y monter sa société Global Energy Capital, fait encore partie des actionnaires minoritaires de Gazprom, inscrite sur la liste des entreprises russes sous sanctions américaines après l’annexion de la Crimée et le début du conflit armé dans l’est de l’Ukraine.

Le banquier n’est pas le seul lien qui relie M. Trump à la Russie de M. Poutine. Paul Manafort, recruté en même temps que M. Page pour mettre de l’ordre dans sa campagne, possède aussi de solides connexions avec le « monde russe » cher au chef du Kremlin. Lobbyiste patenté, il a notamment conseillé Viktor Ianoukovitch, sans parvenir toutefois à redresser l’image de l’ancien président ukrainien aujourd’hui réfugié en Russie.

Selon le site Slate, Richard Burt, un ancien de l’administration Reagan qui a commencé également à conseiller M. Trump, ferait partie du conseil d’administration d’Alfa-Bank, une importante banque commerciale russe et aurait également un pied dans Gazprom grâce à un fonds d’investissement. Dans un long article consacré à M. Trump sous le titre La marionnette de Poutine, Slate mettait en avant les prises de position critiques sur l’OTAN de M. Burt, favorable à une coopération plus « réaliste » avec la Russie.

Piratage

Un autre homme apparaît aussi en filigrane dans les réseaux Trump, Felix Sater, un juif russe émigré à la réputation sulfureuse, aujourd’hui en délicatesse avec la justice américaine pour ses liens supposés avec la Mafia. Le 17 mai, le Washington Post a décrit, sur la base des dépositions de l’intéressé, l’arrivée de Sater « dans l’orbite » du magnat candidat, par l’intermédiaire de son entreprise Bayrock Group, qui possède ses bureaux dans la Trump Tower. « Des documents prouvent que Trump, en 2005, a passé un contrat d’un an avec Bayrock Group pour développer un projet dans la capitale russe, écrit le quotidien. Sater a dit qu’il avait trouvé un groupe d’investisseurs russes intéressés », notamment « pour un gratte-ciel de luxe ». Le milliardaire candidat lui aurait demandé d’accompagner son fils lors d’un déplacement prospectif à Moscou. M. Trump a affirmé qu’il ne reconnaîtrait même pas l’intéressé dans une pièce.

Ces relations ont nourri d’autres soupçons, plus graves encore, après le piratage du Comité national démocrate, l’organe du parti de la candidate rivale Hillary Clinton, et de la Fondation Clinton. L’entreprise de cybersécurité CrowdStrike, qui a révélé ce piratage, au cours duquel des données compilées sur M. Trump ont été dérobées, l’a attribué à deux groupes de hackers liés au gouvernement russe. L’opération a par la suite été revendiquée par un hacker se présentant sous le pseudo « Guccifer 2.0 ». Le Kremlin a de son côté démenti une quelconque implication.

Le candidat à l’élection présidentielle américaine s’est lui-même rendu à plusieurs reprises en ex-URSS, à partir de 1987, puis en Russie, jusqu’à venir organiser à Moscou le premier concours de Miss Univers en novembre 2013. « Pensez-vous que Poutine viendra ? s’interrogeait-il alors sur Twitter. Si c’est le cas, deviendra-t-il mon nouveau meilleur ami ? » Ébloui à la perspective de juteux contrats pour la construction d’hôtels de luxe, M. Trump ne les obtiendra finalement jamais. Mais il a lui-même noué dans le pays quelques amitiés. Par médias interposés, — Donald Trump et Vladimir Poutine ont fait assaut d’amabilités, bien que les deux hommes, semble-t-il, ne se soient jamais rencontrés. « Un homme fort », a dit l’Américain en parlant du président russe ; « un homme brillant et remarquable », a répliqué M. Poutine à propos de M. Trump, tout en assurant que le Kremlin « travaillerait avec n’importe quel futur président américain ».

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