Gregory T. Angelo est le président des Log Cabin Republicans, la plus importante association conservatrice de défense des droits des homosexuels en sol américain. Il est venu à Cleveland pour célébrer avec plusieurs milliers d’autres partisans du Parti républicain, mais il est catastrophé.
En fait, il a beau avoir revêtu ses habits du dimanche – un complet et une cravate avec de minuscules points bleu, blanc, rouge -, il n’a pas l’air d’avoir le coeur à la fête.
Quarante-huit heures plus tôt, le parti de Donald Trump a adopté une plateforme que certains ont qualifiée d’homophobe. « C’est la plateforme la plus anti-LGBT de toute l’histoire du Parti républicain », confirme le militant.
Cette plateforme regroupe les lignes directrices qui doivent guider la formation politique pour les quatre prochaines années. On y affirme explicitement qu’il faut tout faire pour annuler la décision de la Cour suprême en 2015 légalisant les mariages entre conjoints de même sexe.
On y a même inséré une phrase qui réaffirme « le droit des parents de déterminer le traitement ou la thérapie appropriée pour leurs enfants mineurs ». Banal, pensez-vous ? Pas du tout, explique Gregory T. Angelo. Ce passage a été ajouté à la suite de la décision, par cinq États, d’interdire les thérapies « de conversion » qui prétendent pouvoir « guérir » l’homosexualité.
Cette régression navrante des républicains en matière de droits des gais est le symptôme d’une maladie plus profonde.
La plateforme du parti recommande aussi l’interdiction de l’avortement même en cas de viol, la nomination de juges qui font la promotion de « valeurs familiales », la construction d’un mur entre les États-Unis et le Mexique (évidemment !) et ouvre la porte à l’expulsion des immigrants illégaux.
On y soutient également que les femmes dans l’armée n’ont pas leur place au sein de missions de combats. Parmi bon nombre d’autres prescriptions, on y fait comprendre que conservatisme ne rime surtout pas avec conservation pour les républicains d’aujourd’hui. Lorsqu’on parle des changements climatiques, par exemple, c’est pour affirmer qu’on fait beaucoup de bruit pour rien à ce sujet.
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La société américaine se transforme sur plusieurs plans. Les Américains sont de moins en moins religieux et de plus en plus progressistes sur certains enjeux sociaux, entre autres pour ce qui est des droits des gais. Ils sont aussi, en majorité, préoccupés par le réchauffement de la planète.
En réaction à cette évolution naturelle et sensée, le Parti républicain s’est braqué. Au lieu de changer, il s’est radicalisé.
C’était déjà le cas avant Donald Trump, bien sûr. Les militants les plus conservateurs rencontrés lors de reportages effectués en sol américain au cours de la dernière décennie ne manquaient jamais de se dire déçus par les candidats républicains à la Maison-Blanche. Tout particulièrement par John McCain en 2008 et Mitt Romney en 2012.
Cette fois, ils ont l’impression d’avoir gagné à la loterie. Ils ont pris le contrôle du parti et ont maintenant voix au chapitre pour ses grandes orientations. Au grand dam des républicains plus modérés.
Avec la nomination de Mike Pence comme candidat à la vice-présidence, la boucle est bouclée. Ce gouverneur de l’Indiana est un républicain pur et dur. C’est sous sa gouverne que l’État a adopté la tristement célèbre loi sur les libertés religieuses. Une loi qui visait à permettre à quiconque, au nom de « convictions », de refuser de servir les homosexuels.
« Avoir choisi le gouverneur Pence va permettre à Trump d’unifier le parti », nous a expliqué, avec l’enthousiasme d’un enfant qui vient de découvrir ses cadeaux sous l’arbre de Noël, Marianne Stearns, participante à la convention originaire de la Pennsylvanie.
Traduction : Mike Pence va rassurer les plus conservateurs des conservateurs, qui n’étaient pas certains que Donald Trump partage toutes leurs idées, même les plus radicales. Ces doutes expliquent donc aussi pourquoi le parti s’est radicalisé encore un peu plus cette année, tant par sa plateforme que par le choix de l’éventuel vice-président des États-Unis.
Ce virage à droite toute, ciblant par-dessus tout les minorités ethniques, la communauté LGBT et les femmes, a eu un impact. Il suffit de visiter le site de la convention pour s’en rendre compte. La diversité n’est pas au rendez-vous. Selon certaines estimations, il n’y aurait, par exemple, que quelques dizaines d’Afro-Américains sur les 2472 délégués républicains.
Que le Parti républicain accentue sa radicalisation est inquiétant.
La formation politique – qui a pour symbole l’éléphant depuis plus d’une centaine d’années -, se trompe si elle pense que ce virage lui permettra d’assurer son avenir.
En laissant à des fanatiques le soin de déterminer ses priorités, le Parti républicain n’a pas seulement fait fausse route. Il s’est aussi placé du mauvais côté de l’histoire américaine.
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