Trump, the Impossible

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Les républicains s’éveillent-ils enfin au danger que pose la candidature du « Donald » à la présidence américaine ? L’égomaniaque menteur compulsif perd des appuis au sein de l’establishment de son propre parti. Ce n’est pas trop tôt.

Le jour où Donald Trump annonçait son plan pour remettre l’économie américaine sur les rails, la sénatrice républicaine la plus expérimentée, Susan Collins (Maine), et une cinquantaine d’anciens responsables de la sécurité nationale, tous des républicains, annonçaient leur intention de ne pas voter pour lui.

Donald Trump n’a ni le caractère, ni les valeurs, ni l’expérience pour devenir président des États-Unis et assumer le rôle de Commandant en chef, jugent ces conseillers chevronnés, parmi lesquels figurent Michael Hayden, un ancien directeur de la CIA et de la NSA, et Michael Chertoff, un ex-secrétaire à la Sécurité intérieure. Un hypothétique président Trump affaiblirait la sécurité nationale des États-Unis et leur autorité morale en tant que chef de file du monde libre, écrivent-ils dans une lettre au New York Times. Le lecteur déduira du propos qu’il est dangereux de confier l’arsenal nucléaire américain à ce loose canon impétueux, allergique à la critique, incapable de se contrôler et de discerner la vérité du mensonge.

Malgré l’ampleur de la calamité qu’ils décrivent, aucun de ces bonzes de la sécurité intérieure n’ose appuyer officiellement la candidature de la démocrate Hillary Clinton. Si le péril est aussi grand qu’ils le croient — et il l’est ! —, pourquoi se contenter de demi-mesures ?

La sénatrice Susan Collins évite elle aussi de se rallier à la candidature de Mme Clinton. Son analyse de la faillite morale et intellectuelle de Donald Trump n’en est pas moins dévastatrice. La propension de M. Trump à invectiver et à intimider ses adversaires rendra le monde encore plus dangereux qu’il ne l’est déjà, dénonce-t-elle.

Depuis qu’il s’est lancé dans la course à la présidence, Donald Trump s’est moqué du handicap d’un journaliste, il a remis en doute l’intégrité d’un juge né en Indiana de parents mexicains, il a dénigré des femmes, il a traité les immigrants mexicains de violeurs, il a proposé de refuser aux musulmans l’entrée aux États-Unis, il a minimisé l’héroïsme du sénateur John McCain parce qu’il avait été capturé lors de la guerre du Vietnam, il s’est moqué du physique de l’épouse de son principal adversaire, Ted Cruz…

Comme si ce n’était pas suffisant, il a jonglé mardi avec l’idée que les citoyens pourraient s’appuyer sur le deuxième amendement de la Constitution, légalisant le port des armes, pour stopper Hillary Clinton si elle s’aventurait d’office à nommer des juges à la Cour suprême favorables au contrôle des armes à feu une fois élue. L’ambiguïté de son propos a forcé ses stratèges en communication à préciser qu’il n’en appelait pas à la violence contre son adversaire. Nous voilà rassurés sur son jugement et ses talents oratoires.

C’est ce guignol à l’ego surdimensionné que la base républicaine voit comme président des États-Unis. Jamais depuis la candidature du ségrégationniste George Wallace, en 1968, un aspirant au poste de président des États-Unis n’a attisé autant la haine et le préjugé racial.

D’une controverse à une autre, M. Trump a affiché une étonnante capacité de rebondissement, jusqu’à ce qu’il s’en prenne à Khizr et Ghazala Khan, les parents d’un soldat américain de confession musulmane tué en Irak. L’absence totale de compassion du milliardaire à l’égard des Khan a pour ainsi dire marqué le début de sa descente aux enfers.

Les plus récents sondages prévoient des lendemains qui déchantent pour M. Trump. Des candidats républicains envisagent sérieusement de modifier leur stratégie de campagne : concéder la victoire à Mme Clinton, et appeler les électeurs à envoyer une délégation républicaine forte au Sénat et au Congrès pour tenir « Crooked Hillary » en garde à vue.

Quoi qu’il advienne d’ici le 8 novembre, le parti républicain sortira grand perdant de cette élection. Donald Trump n’a de républicain que le nom. C’est un dangereux démagogue, d’inclinaison fasciste, pour qui la course à la présidence est ni plus ni moins une occasion rêvée de satisfaire sa pulsion narcissique. Il aura réussi le triste exploit de permettre à l’Amérique belliqueuse et revancharde de sortir des marges et de crier haut et fort sa haine de l’Autre, son rejet de la différence.

Le parti, totalement défiguré, a renié l’héritage d’Abraham Lincoln. Menée par un agitateur, minée par sa base toxique et composée d’un establishment qui pousse le débat politique toujours un peu plus à droite, la formation vogue à la dérive. Et les idéaux fondateurs de l’Amérique deviennent une terre distante pour les républicains.

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