À deux mois de la présidentielle, Donald Trump talonne Hillary Clinton dans les sondages, ce qui est consternant. Le candidat républicain à la Maison-Blanche a atteint dans son discours sur l’immigration, prononcé mercredi à Phoenix, des sommets vertigineux de démagogie — et de dangerosité.
La démocrate Hillary Clinton soutient la libération de « dangereux, dangereux, dangereux criminels », a déclaré Donald Trump à Phoenix. Pourquoi redoute-t-elle l’idée de diviser les familles des illégaux en les expulsant, s’est-il demandé, alors que des « familles américaines » (lire : blanches) sont divisées par des meurtres commis par des immigrants ? Parce qu’elle est elle-même une criminelle… bien entendu. Exemple parmi d’autres du délire démagogique auquel il s’est à nouveau livré dans un discours « en dix points » que sa machine partisane avait pourtant annoncé comme majeur et substantiel.
Quelques heures plus tôt à Mexico, où il était allé rencontrer Enrique Pena Nieto (on se demande d’ailleurs par quel mauvais calcul politique le président mexicain a pu penser qu’il lui serait utile de rencontrer cet homme pourtant honni south of the border), M. Trump a fait un effort surhumain pour se montrer « présidentiable ». Le naturel est revenu au grand galop à Phoenix dans une logorrhée de propos incendiaires où le candidat dûment désigné du Parti républicain, loin d’adoucir ses positions, a réduit les onze millions de sans-papiers à une bande de criminels, réitéré son intention de faire construire sur la frontière un mur « impénétrable et merveilleux » payé par les Mexicains et s’est engagé, pour ainsi dire, à mettre tout l’appareil d’État au service d’une vendetta contre l’ensemble des clandestins, du premier au dernier.
Le fait est, soit dit en passant, que l’immigration n’est pas aux États-Unis un facteur important de criminalité. Il se trouverait au contraire qu’elle est objectivement un facteur de sécurité, faisait remarquer vendredi le chroniqueur David Brooks dans le New York Times. Selon une étude qu’il cite, à peine 3 % des immigrants sans diplôme collégial, nés au Mexique, au Salvador et au Guatemala, font de la prison, par comparaison à 11 % des hommes nés aux États-Unis.
Entendu que M. Trump dit des énormités. Sauf que, dans l’ordre actuel des choses, là n’est pas la question.
Trump, Trump, Trump, martèlent ses partisans. Son nom est devenu le mantra d’une certaine Amérique blanche aveuglée par la colère et la frustration. La candidature de M. Trump a rétabli et légitimé le droit à l’affirmation identitaire blanche en des termes qui n’ont culturellement plus leur place dans l’espace public depuis des décennies. Il a libéré une parole pétrie d’intolérance, et cette parole renvoie dangereusement à l’époque ségrégationniste.
L’analyse électorale dominante veut qu’il lui soit impossible de remporter la présidentielle sans élargir sa base et rallier des républicains plus modérés. À défaut, il courrait à sa perte. Et pourtant.
À deux mois de l’élection, M. Trump semble faire au contraire le calcul, si tant est qu’il ait véritablement une stratégie électorale, qu’il peut l’emporter de justesse sans devenir plus poli et plus politiquement correct.
Il peut compter sur le fait que 20 % des électeurs (ils sont deux fois plus nombreux qu’en 2004) défendent des opinions qui sont aux extrêmes de l’échiquier politique, selon une étude du Pew Center. Il peut ensuite faire le pari que Mme Clinton, qui n’inspire pas la plus grande des sympathies au sein de l’électorat démocrate, va perdre des votes à son « extrême gauche » parmi les jeunes Américains que les idées de Bernie Sanders avaient rameutés.
Ce faisant, dans le contexte de plus en plus polarisé qu’est celui des États-Unis, M. Trump fait un calcul qui n’est malheureusement pas insensé.
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