L’agitation politico-médiatique autour de la pneumonie d’Hillary Clinton est le reflet, partiel certes, mais réel quand même, de l’état de santé de la démocratie électorale américaine.
Dans un monde politique plus sain, concevons que la publication des bilans de santé des candidats à la présidence des États-Unis irait plutôt de soi et qu’en l’occurrence, Hillary Clinton et Donald Trump, qui sont respectivement âgés de 69 et 70 ans, auraient l’humilité de reconnaître qu’ils sont bêtement humains. En lieu et place, ni l’un ni l’autre n’a vraiment fait preuve de transparence quant à son bilan médical — lui encore moins qu’elle, en fait. Fort difficile de croire en effet que M. Trump, qui s’empiffre de malbouffe et qui s’en vante, serait « la personne la plus en santé jamais élue à la présidence », ainsi que son gastro-entérologue l’a prétendu.
Encore qu’ils ne font qu’obéir à une tendance générale et universelle parmi les élus, d’ici et d’ailleurs, qui consistent à garder leurs bobos pour eux-mêmes. Par pudeur sans doute, mais d’abord par calcul.
Aurait-il été dans l’intérêt public qu’Hillary Clinton révèle dès vendredi qu’elle souffrait d’une pneumonie, sans attendre de presque tomber dans les pommes en attendant son VUS de fonction ? Oui. Mais aussi, et peut-être surtout, dans l’intérêt de sa santé et dans son intérêt politique.
« J’espère qu’elle se remettra vite », a déclaré M. Trump sur un ton anormalement posé. Il n’avait pas besoin d’en remettre, comme il s’emploie déjà depuis des semaines, avec l’appui de toute une panoplie de médias conservateurs, à entretenir l’idée très sexiste que Mme Clinton n’est tout simplement pas assez forte pour devenir présidente de la première puissance du monde.
C’est que sa pneumonie et la façon dont les Américains ont été mis au courant se trouvent à apporter de l’eau au moulin de tous ceux, et ils sont nombreux, qui se méfient d’elle comme de la peste. Elles sont profondes les racines du sentiment parmi la population, y compris chez les démocrates, que Mme Clinton a toujours quelque chose à cacher. Une méfiance qui est ancienne, du reste, remontant au scandale immobilier de Whitewater qui a éclaboussé les Clinton au début des années 90.
Ces derniers eurent-ils fait preuve en cette affaire d’un peu plus de transparence que ce scandale n’aurait pas pris de pareilles proportions, ont souvent dit les observateurs.
« La pneumonie peut se soigner avec les antibiotiques, a twitté David Axelrod, ancien stratège en chef d’Obama. Quel est le remède à un penchant exagéré pour la confidentialité causant à répétition des problèmes inutiles ? »
Sa mauvaise réputation a rattrapé Mme Clinton avec l’histoire du serveur de courriels privé qu’elle a utilisé du temps où elle était secrétaire d’État. Qu’il soit cependant dit qu’elle est loin d’avoir le monopole de cette culture du secret — et que Donald Trump refuse toujours, lui, de rendre publiques ses déclarations de revenus. En fait, ils sont tous les deux la manifestation d’une démocratie de plus en plus opaque et congestionnée. De ceci à cela, Newsweek vient d’ailleurs de révéler que, comme Mme Clinton, l’ex-administration Bush avait aussi utilisé un serveur de courriels privé et qu’entre 2003 et 2009, pendant la guerre d’Irak, elle a fait disparaître 22 millions de courriels, au mépris de la loi.
Reste malgré tout que Mme Clinton conserve toujours les meilleures chances de l’emporter. Et que ses chances devraient normalement s’améliorer à la faveur des chiffres publiés mardi, indiquant une augmentation du revenu des ménages pour la première fois depuis 2007. N’est-ce pas que ces nouvelles statistiques tombent bien pour elle ? Baume bienvenu sur sa mauvaise passe.
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