Soutenir Snowden
Sans les révélations d’Edward Snowden, aurait-on assisté au débat planétaire sur la surveillance de masse ? Les Etats-Unis auraient-ils, pour la première fois depuis des décennies, mis un frein – certes très limité – aux capacités de collecte de la NSA ? Aurait-on vu la Cour de justice de l’Union européenne invalider un accord transatlantique sur les transferts de données ? On peut parier que non.
Or, depuis plus de trois ans, celui par qui le scandale est arrivé est contraint de vivre exilé en Russie. Dans son pays, il a été inculpé pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux. Il y risque des dizaines d’années de prison. Cette situation, Barack Obama pourrait y mettre un terme en lui accordant, avant la fin de son mandat, la grâce présidentielle. C’est précisément ce que lui demande une pétition lancée mercredi par trois associations de défense des droits humains et des libertés – l’American Civil Liberties Union, Amnesty International et Human Rights Watch – et signée par de nombreuses personnalités, du cofondateur d’Apple Steve Wozniak à l’actrice Susan Sarandon. Demain, Snowde n, le nouveau biopic d’Oliver Stone, va lui aussi plaider aux Etats-Unis la cause du lanceur d’alerte par écrans interposés.
La Maison Blanche semble, pour l’heure, bien peu encline à infléchir sa position. Pour le porte-parole de l’exécutif américain, «M. Snowden n’est pas un lanceur d’alerte», il aurait dû faire part de ses inquiétudes via des canaux internes, et il «devrait rentrer aux Etats-Unis». Pas un lanceur d’alerte ? Même Eric Holder, l’ancien procureur général des Etats-Unis (l’équivalent du ministre de la Justice), le reconnaissait : oui, Snowden «a réellement rendu service au public» en provoquant un large débat sur la surveillance. Utiliser les canaux internes ? Il a tenté de le faire. Quant à «rentrer aux Etats-Unis», il s’y est toujours dit prêt. A la condition que lui soit garanti un procès équitable. Ce qui ne sera pas le cas sous l’Espionage Act, cette loi centenaire qui a notamment valu une peine de trente-cinq ans de prison à Chelsea Manning, la source des grandes révélations de WikiLeaks en 2010.
Un film et une pétition suffiront-ils à faire bouger les lignes ? On peut en douter. La bataille sera rude, reconnaissent les soutiens de l’ex-consultant. Mais c’est sans doute le meilleur moment pour l’engager, tant les deux principaux prétendants à la succession d’Obama semblent tout sauf disposés à faire preuve de la moindre clémence… L’occasion est belle de rappeler que dans les opinions publiques, très nombreux sont ceux qui prennent les révélations d’Edward Snowden pour un acte de courage et de droiture. Lui-même ne demande rien : «Il ne m’appartient pas de répondre à la question de savoir si je devrais, en tant que lanceur d’alerte, être gracié.» Demandons-le pour lui. Contre le faux choix qui lui est jusqu’ici imposé par les autorités américaines – la prison ou l’exil. Et aussi contre la lâcheté des gouvernements européens, qui n’ont jamais fait le geste qui pourtant s’imposerait, lui accorder l’asile.
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