Il a suffi d’une vidéo, le 11 septembre, pour que les faiseurs d’images du Parti républicain puissent marteler ce qu’ils ne cessaient de clamer depuis le début de l’année électorale : Hillary Clinton ne peut pas exercer le pouvoir, tant en raison de ses mensonges qu’à cause de sa santé fragile. D’une pierre deux coups. Les deux arguments ne devraient pas peser lourd face à un candidat comme Trump, pourtant, l’écart entre les candidats se resserre.
La santé
Prenons la question de la santé d’abord. Est-elle du domaine public ?
Depuis son évanouissement, on en sait plus sur l’état de santé d’Hillary Clinton, mais aussi sur celui de Donald Trump. À une nuance près. La première est sommée de produire son bilan de santé, accusée de dissimuler une information cruciale. Le second, dont le dernier bilan prenait la forme d’un panégyrique écrit en cinq minutes par un médecin qui ne l’avait pas examiné, a choisi le plateau de télévision de The Dr. Oz Show pour révéler une lettre (légèrement) plus substantielle, transformant une information nébuleuse en téléréalité.
La transparence dans le domaine de la santé n’est pas courante. Mais voilà, le commandant en chef des forces armées détient le feu nucléaire, est à la tête de la plus importante armée de la planète (45 % des dépenses militaires mondiales) dans un monde où la moindre anicroche fait instantanément frissonner les marchés mondiaux. Si l’adoption du 25e amendement à la Constitution à la suite de l’assassinat de JFK assure la continuité de l’État, il reste qu’élire un septuagénaire comporte des risques. Ce n’est pas négligeable.
Les mensonges
En la matière, Hillary Clinton (« Hillary pourrie », selon Trump) vit avec le passif de 19 années de vie publique. Son nom est porteur, pour la droite du Contract for America de Newt Gingritch, des « affaires » des années 1990 qui ont galvanisé les conservateurs et l’émission radio de Rush Limbaugh : Whitewater, la mort de Vince Foster, Monica Lewinski.
Le « HillaryLand », ce groupe de conseillères à la loyauté inébranlable tissé autour d’elle depuis son passage à la Maison-Blanche, contribue à couper Hillary Clinton du reste du monde et à générer — parfois à juste titre, comme le confirme l’affaire des courriels effacés — le sentiment que la maison Clinton a des choses à cacher.
Dans le même temps, Trump parle beaucoup, mais divulgue peu. Le Center for Public Integrity (organisation de journalisme d’enquête à but non lucratif) reconnaît que les deux candidats ne sont pas transparents (tant la fondation Clinton que la fondation Donald J. Trump naviguent en eaux saumâtres ; les deux candidats limitent les contacts avec les correspondants de presse) mais affirme que Trump cultive l’opacité tant en matière fiscale qu’en matière de financement électoral.
Pourtant, il reste téflon : même si Donald Trump et Hillary Clinton appartiennent à la même génération, on ne retient que la fragilité de la santé physique de la seconde sans se questionner de manière analogue sur la salubrité mentale du premier. La prolifération des théories conspirationnistes sur la santé d’Hillary Clinton repose donc sur d’autres fondements que son âge et sa santé.
Une question de genre ?
La recherche montre que 227 années d’occupation masculine de la Maison-Blanche ont contribué à enserrer l’uniforme du président dans un registre sémantique musclé — d’autant, affirme le Pew Research Center, qu’avoir servi dans l’armée, été gouverneur ou fait carrière dans les affaires sont des critères prévalents chez les électeurs pour désigner leur président.
Ainsi, bien que les femmes aient accédé dès les années 1930 au niveau ministériel, seules cinq ont occupé des fonctions régaliennes (Défense, Justice, Sécurité). Si elles sont de plus en plus nombreuses dans les postes infraministériels, elles ont dû établir des stratégies bureaucratiques à la Maison-Blanche afin de contourner la prééminence de leurs alter ego, comme le montre cette semaine une enquête du Washington Post.
Dans le domaine électoral, les femmes qui ne s’inscrivent pas dans le modèle de leadership traditionnel sont immédiatement perçues comme vulnérables. Or une étude de Tessa Ditonto publiée dans la revue Political Behavior montre qu’une femme sera toujours plus questionnée sur sa compétence à gouverner : statistiquement, la moindre faiblesse, la moindre erreur de jugement a un effet démultiplié le jour du vote.
Trump et Clinton sont les deux candidats les moins appréciés de l’histoire des élections présidentielles. À la différence de son adversaire, Hillary Clinton cumule une longue expérience fédérale ; et pourtant, elle n’a que 1,5 point (selon Real Clear Politics) d’avance sur son adversaire. C’est sans doute ce décalage qui explique pourquoi, au cours des 100 dernières années, seuls les tiers partis ont pris le risque de désigner une femme comme candidate à la présidence.
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