Commémoration ce week-end des attentats du 11 septembre 2001. Des attentats qui représentent dans l’histoire du monde un point de rupture dont nous vivons tous les jours les retombées depuis quinze ans.
Quinze ans après le 11-Septembre, la guerre aérienne lancée par les États-Unis sous le président George W. Bush en Afghanistan, puis en Irak, se poursuit de manière pratiquement ininterrompue, embrasant aujourd’hui une grande partie du Proche-Orient. Sans horizon de pacification. Plutôt le contraire : l’échec de la stratégie militaire anglo-américaine appliquée en Irak a eu ceci de pervers que, dans l’ordre actuel des choses, elle se trouve objectivement à avoir contribué à nourrir le développement des organisations terroristes et à favoriser la montée du groupe État islamique (EI), mariage épouvantablement létal et efficace d’anciens du régime déchu de Saddam Hussein et de fanatiques religieux, dissidents d’al-Qaïda.
Dans les premiers jours de l’offensive sur Bagdad, déclenchée dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, au moins 8000 bombes et missiles dits intelligents sont lancés en moins de deux semaines sur la capitale, dans l’espoir, cela dit sans mauvais jeu de mots, de décapiter le leadership irakien. Pas un seul leader ne sera tué ; mais des civils, oui, « par douzaines », selon Human Rights Watch. « Dommages collatéraux » devient l’expression à la mode pour javelliser dans les opinions occidentales l’horreur semée par les guerres vues de loin et vues de haut.
À peine plus d’un mois plus tard, le 1er mai 2003, le président George W. Bush est sur le pont du porte-avions USS Abraham Lincoln. Debout devant une grande banderole proclamant « Mission Accomplished », il annonce que « les opérations de combat majeures en Irak sont terminées » et que les États-Unis et ses alliés ont « prévalu ». L’histoire ne finira jamais de ridiculiser cet empressement, alors qu’en fait, sa « guerre contre le terrorisme » est un bourbier qu’il laissera en héritage.
De ceci à cela, les bombes ont continué à tomber. Pendant les 18 mois qui ont suivi le début, en août 2014, des raids aériens contre le groupe EI, des bombes et des missiles ont été lancés en nombre record par les bombardiers B-1 américains en Irak et en Syrie. À tel point qu’à la fin de 2015, les stocks étaient pratiquement épuisés. Coûts à ce jour des opérations en fonds publics : 8,4 milliards $US. Avec quels résultats ?
À New York, le Musée et le Mémorial du 11 septembre 2001 ont été inaugurés par Barack Obama il y a deux ans sur les décombres de « Ground Zero ». L’ouvrage est monumental et l’hommage rendu aux victimes est émouvant. Mais pour qui l’a visité, il est difficile de ne pas en ressortir avec le sentiment que la représentation de cette catastrophe de dimension historique a réduit la tragédie à un gigantesque fait divers — alors qu’il s’agit pourtant d’une tragédie aux conséquences graves et complexes sur les plans historique, géopolitique et social.
Historique parce que les 15 dernières années donnent lieu, dans un contexte de violence inouïe, à une reconfiguration du monde arabo-musulman et, au vu de l’erreur que fut la guerre d’Irak et des mensonges qui l’ont justifiée, à une relativisation — salutaire — du rôle de l’Empire américain dans les affaires du monde. Géopolitique parce que la Syrie est aujourd’hui au coeur d’un conflit multidimensionnel qui est verrouillé, d’une part, par une lutte d’influence régionale entre l’Iran et l’Arabie saoudite et, d’autre part, par des relents de guerre froide entre Washington et Moscou. Sociale parce que le 11-Septembre a entraîné, au nom d’impératifs de sécurité intérieure, l’adoption dans le monde occidental de toute une panoplie de lois qui se trouvent à éroder les libertés civiles et porter atteinte, la révolution technologique aidant, au respect de la vie privée.
Madrid, Londres, Paris, Nice et tous les massacres commis au Proche-Orient : aux attentats du 11-Septembre a succédé un interminable chapelet d’autres attaques, non moins anxiogènes. Le tableau est dystopique, les opinions publiques se résignent. Constatons les dégâts, mais qu’il nous soit quand même permis d’espérer, un peu, que les États-Unis mettront un jour autant de volonté à accompagner les mouvements démocratiques qu’à larguer des bombes ; que l’imposture idéologique dont le groupe EI est porteur sera bientôt mise à nu ; et qu’il y aura d’autres printemps arabes.
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