Going Viral

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Viralité

La victoire de Trump est totale : comme lui n’avait cessé de traquer les responsables d’un déclin américain durant sa campagne, ses opposants cherchent à leur tour un bouc émissaire pour expliquer la défaite. Dans le haut de la liste, il y a la presse américaine. Sans doute doit-elle prendre sa part de responsabilité. Elle a refusé de voir l’envisageable, aveuglée par une croyance toute technologique dans les datas. Elle a d’ailleurs débuté un salutaire travail d’autocritique et doit aussi s’interroger (comme nous en France) sur sa difficulté à expliquer le monde à des lecteurs qu’elle ne «touche» pas ou plus et qui ne la croient pas ou plus. Les algorithmes de Facebook se retrouvent aussi sur le banc des accusés. On leur reproche, à juste titre, d’avoir favorisé la dissémination de fausses infos, préparant le terrain à un milliardaire qui se moque de la vérité. Hélas ! Point d’autocritique chez le social network, qui refuse de reconnaître sa responsabilité dans la «disruption» des faits, et pense plus à son business model qu’à démêler le vrai du faux (là où un journaliste avec un peu de jugeote et d’éthique y parviendrait en trois minutes, passons). Attendons tout de même des études sérieuses pour mesurer le vrai poids du réseau dans la transformation de cette viralité des fausses nouvelles en bulletins Trump. On peut aussi blâmer ceux qui partagent ces informations, par naïveté, cupidité ou malfaisance. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le vote Trump s’est moins instillé chez les jeunes et les urbains. Est-ce un hasard si ces milieux sont les plus perméables à de nouvelles formes de journalisme, moins centrées sur la politique institutionnelle et créées dans l’écosystème des réseaux sociaux, à l’instar d’un BuzzFeed tant décrié en France ? Sans doute pas. Le désespoir, la peur des autres et des lendemains qui déchantent, l’incapacité des responsables politiques à proposer des alternatives crédibles, la difficulté pour la presse traditionnelle à parler à des lecteurs désorientés sont les vraies raisons de la victoire du menteur en chef. Ceux qui cherchent ailleurs des responsables au succès de Trump le savent : il est plus facile de trouver des boucs émissaires que d’imaginer des antidotes aux véritables poisons.

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