A Very Trump Election

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Une élection en Trump-l’œil

Retour sur la campagne présidentielle américaine, stupéfiante de bout en bout, jusqu’à la victoire du milliardaire vociférant que personne n’avait prévue.

Au terme d’un an et demi d’une campagne ubuesque, les Américains ont choisi, le 8 novembre, Donald Trump comme président. Le septuagénaire, star de télé-réalité et magnat de l’immobilier, qui manie l’outrance comme outil de séduction politique, posera ses valises à la Maison Blanche le 20 janvier. Il a été confirmé mi-décembre par le vote des grands électeurs – 304 pour lui contre 227 pour son adversaire démocrate Hillary Clinton. L’ex-secrétaire d’Etat a cependant remporté le vote populaire, avec plus de 2,8 millions de voix d’avance.

Le 45e président des Etats-Unis incarne un immense paradoxe. Il a occupé une surface médiatique sans précédent, au point d’avoir pu faire des économies sur les spots de campagne à la télé. Et pourtant, à part Trump lui-même qui se prophétisait en «Mister Brexit» – comprendre : personne n’a vu venir sa victoire, comme personne n’avait vu venir la victoire du «leave» au référendum britannique de sortie de l’Union européenne -, peu ont cru à sa candidature. Peu ont pensé que le milliardaire à la tignasse jaune paille pouvait devenir le commander in chief de la première puissance mondiale. Trump n’a reculé devant aucune provocation, attaquant femmes, immigrés, musulmans, libérant une parole xénophobe, s’attirant les faveurs des suprémacistes blancs, divisant l’Amérique en deux provinces irréconciliables.

Le monde a assisté, ahuri, aux rebondissements de cette course à la Maison Blanche. L’affaire des e-mails de Hillary Clinton, classée en juillet par le FBI qui juge qu’aucune poursuite ne s’impose (tout en blâmant la «négligence extrême» de la candidate ), puis réactivée une semaine avant l’élection, avec la réouverture de l’enquête par le directeur du même FBI… La pneumonie de la démocrate début septembre, qui donne du grain à moudre à l’«alt-right» (droite ultraconservatrice) qui la déclare inapte à gouverner. Puis la vidéo de 2005, exhumée un mois pile avant l’élection par le Washington Post, où l’on entend Trump se vanter de forcer les femmes à l’embrasser et de les «attraper par la chatte»… Trottant derrière ces péripéties comme des vieilles carnes essoufflées, experts, sondeurs et médias ne peuvent s’y résoudre : avant la fermeture des bureaux de vote, le jour de l’élection, l’écrasante majorité des sondages donnent Clinton largement en tête…

Fin décembre, ce sont les nominations du futur gouvernement Trump qui ponctuent l’actualité américaine : un climatosceptique à l’agence fédérale de protection de l’environnement, le patron d’ExxonMobil comme secrétaire d’Etat, un ancien de Goldman Sachs au Trésor… Un cabinet de papes du big business ou de Wall Street, de milliardaires – leur fortune cumulée représente plus que celle d’un tiers des ménages américains. Tout comme les tweets, tout aussi ahurissants, du président-élu : en 140 caractères sur Taïwan, il ébranle des décennies de relations diplomatiques avec la Chine. Ou poste un lapsus mémorable (le «mot de l’année» pour le Guardian) : «unpresidented». Un mix de «unprecedented» – sans précédent – et de «president». Pas faux.

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