Trump Contagion

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Trump, la contagion

Le délire trumpien se surpasse d’une semaine à l’autre. La tendance du président des États-Unis à s’affranchir des faits, de la réalité, dépasse chaque fois ce qu’on considérait la veille comme infranchissable ou inconcevable.

Samedi devant une foule de partisans — Donald Trump est toujours en campagne, c’est tout ce qu’il sait faire —, il a inventé, purement et simplement, un attentat terroriste en Suède pour alimenter son alarmisme et justifier ses politiques de contrôle des frontières : « Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés et, maintenant, ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé. »

Un événement inexistant sert de justification à une politique excessive et controversée. On se répète que Trump délire, que Trump est devenu fou, qu’il avance des faussetés faciles à réfuter. Mais pour la minorité importante qui le suit et le suivra jusqu’au bout, toute réfutation est nulle et non avenue. Si les médias affirment qu’il ne s’est rien passé en Suède, rien d’autre qu’un vendredi soir ordinaire et sans violence… c’est certainement qu’ils mentent et nous cachent quelque chose.

État de droit, séparation des pouvoirs, liberté de la presse, respect des faits les plus élémentaires… tout cela est battu en brèche, jour après jour, par les paroles et les actes de Donald Trump. À tel point qu’un John McCain, sénateur de l’Arizona et républicain critique, a pu laisser tomber que « c’est comme ça que les dictatures commencent ».

François Fillon n’est certes pas Donald Trump. Le candidat officiel de la droite à la présidence française, l’homme qui, à la primaire de novembre, avait écrasé des adversaires aussi aguerris que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, n’est pas un malade narcissique. Il n’appuie pas non plus son discours sur des hallucinations, lesquelles fonderaient ensuite des envolées délirantes et comminatoires.

Nul freak show dans la campagne Fillon, comme la conférence de presse historique de jeudi dernier à la Maison-Blanche, ou comme cette réunion de samedi en Floride, durant laquelle Donald Trump a soudain sorti de son chapeau une Suède inventée, à feu et à sang…

Cependant, le tour qu’a pris, depuis une dizaine de jours, la campagne de ce candidat traqué, pris la main dans l’assiette au beurre de l’État — lui qui préconise l’austérité pour les simples contribuables —, ressemble un peu, en modèle réduit, à une dérive « trumpienne ».

Notons d’abord que les appuis populaires à François Fillon, depuis les révélations en cascade du Canard enchaîné sur les emplois fictifs dont auraient profité sa femme et deux de ses enfants, ont certes baissé, mais ne se sont pas effondrés.

Le choc a été rude ; Fillon n’occupe plus la première place. Il serait passé, en gros, de 25 % à 18 % des intentions de vote et se bat désormais, derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen, pour se rendre au second tour. Mais la volatilité notoire des appuis à Macron rend encore possible une qualification de justesse.

Après avoir accusé le coup lors des premières révélations de l’hebdomadaire satirique, et avoir promis qu’il se retirerait s’il était mis formellement en examen par la justice, Fillon a fait volte-face.

Il adopte maintenant (comme Trump) la posture de la victime. Une victime traquée (comme Trump) par une justice « incompétente » et des médias « haineux ». Il affirme qu’il continuera, « même mis en examen ». Comme Trump, il n’a pas vraiment réfuté les accusations contre lui (peut-être parce qu’il n’a pas d’éléments probants). Il « droitise » encore plus son discours et son programme (sur la justice et les jeunes notamment)…

Comme si une sorte de contagion s’étendait, d’un pays à l’autre, remettant en cause, les uns après les autres, les piliers qui ont longtemps fait la grandeur du système démocratique occidental.

Des deux côtés de l’Atlantique : mépris des faits ; dénonciation de complots supposés ; accusations systématiques contre des médias désignés à la vindicte comme « ennemis malfaisants » ; démonologie jetée à la face des contradicteurs, qu’ils soient des médias, des instances judiciaires, ou de simples citoyens sceptiques.

Et un appel au plébiscite populaire contre tout autre critère, fût-il celui de la loi, de la vérité ou de la séparation des pouvoirs.

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