The Post-Truth Presidency

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La présidence post-vérité

«Maman disait toujours : “La vie, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber.”»

La phrase a été prononcée par l’acteur Tom Hanks dans le film Forrest Gump. On pourrait aussi l’utiliser pour parler… du compte Twitter de Donald Trump.

Si vous y jetez un oeil régulièrement, vous le savez : on ne peut absolument pas prévoir sur quoi on va tomber.

Même son entourage tombe parfois des nues en le consultant. Comme ce fut, semble-t-il, le cas au cours du week-end.

«Je viens de découvrir que le président Obama a mis mes lignes sur écoute dans la tour Trump», a écrit Donald Trump, traitant son prédécesseur de «personne malfaisante (ou malade)».

Barack Obama s’est empressé de nier. Bon nombre de politiciens, d’experts et de membres de la communauté du renseignement ont laissé entendre que les allégations de Donald Trump ne tiennent pas debout. Même le directeur du FBI semble consterné.

Où Donald Trump a-t-il pêché ça? Sa source serait un animateur de radio et militant conservateur : Mark Levin. Ce dernier avait réclamé, l’automne dernier, la destitution d’Hillary Clinton en cas de victoire. Aujourd’hui, il soutient qu’un «coup d’État silencieux» est en cours contre Donald Trump.

Ce n’est hélas pas la première fois que le milliardaire devenu président met de l’avant des allégations non vérifiées.

Ou qu’il se prononce avec fermeté alors qu’il n’a pas de preuves de ce qu’il avance. Ou encore qu’il recycle des préjugés ou des théories du complot.

Cette tendance a poussé trois journalistes du réseau NBC à parler, hier, d’une «présidence post-vérité».

Souvenons-nous que le dictionnaire britannique Oxford, il y a quelques mois, a choisi «post-vérité» comme mot de l’année. Pour illustrer à quel point nous vivons dans une époque où l’émotion passe maintenant souvent avant les faits.

Semaine après semaine, Donald Trump confirme que les éditeurs du dictionnaire ont vu juste.

Mais comment peut-on gérer un pays sans se baser principalement sur des faits?

Ce qui est certain, c’est que le simple citoyen y perd son latin. Comment départager le vrai du faux lorsqu’on écoute le président ou qu’on le lit sur Twitter?

Le processus décisionnel, par ailleurs, se révèle plus complexe et ne produit pas toujours les effets escomptés. Le sort du décret présidentiel sur l’immigration, dont une deuxième version a été signée hier, le démontre.

La Maison-Blanche, dans ce dossier controversé, va à l’encontre des faits. Ceux-ci démontrent que la «citoyenneté est vraisemblablement un indicateur peu fiable de la menace terroriste». C’est ce qu’a expliqué le Ministère de la Sécurité intérieure à la Maison-Blanche dans une note de trois pages obtenue par l’agence Associated Press.

On y apprend que 82 personnes «basées aux États-Unis» ont été condamnées ou sont mortes en raison d’activités terroristes depuis 2011. Or, parmi ces criminels, plus d’un sur deux était né aux États-Unis.

Ce n’est pas tout. Ceux qui n’étaient pas nés sur le sol américain provenaient de plusieurs pays différents. Des sept premiers, un seul – la Somalie – est ciblé par le nouveau décret sur l’immigration.

Ce décret a beau avoir été amendé, il demeure un instrument politique et idéologique. Ce n’est malheureusement pas l’aboutissement d’une réflexion fondée sur des faits, pourtant essentielle à toute stratégie efficace de lutte contre le terrorisme.

Ainsi va la vie dans une présidence «post-vérité»…

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