Donald Trump, His Mental Illness, and Us

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Donald Trump, sa maladie mentale et nous

Le problème n’est pas de diagnostiquer la pathologie du président américain, écrit Bertrand Kiefer. Mais de savoir pourquoi la population des Etats-Unis tend à choisir des dirigeants narcissiques, ceux qui se moquent de la réalité et n’hésitent pas à promettre l’impossible ou le dangereux?

Les Etats-Unis, leur population, et même le monde, il les considère comme une extension de la scène où exhiber son ego. Au travers de ses tweets 24h/24 et de ses harangues tressées de faits alternatifs, il montre une palette de traits psychopathologiques d’une ampleur aussi exceptionnelle que le pouvoir qu’il détient. Comment, de ce Donald Trump qui occupe nos esprits, ne pas interroger la santé mentale? Et si on le fait, quelle légitimité mettre en avant?

Loin d’être mûr, le débat ne fait que commencer. Aux Etats-Unis, il sépare déjà deux groupes. D’un côté, celui du nombre croissant de psychologues et de psychiatres affirmant que Trump n’est pas apte à gouverner. Et qu’il est urgent d’agir. De l’autre côté, adoptant une attitude beaucoup plus mesurée, le groupe représenté par Richard Friedman, le spécialiste américain du trouble de la personnalité narcissique. Dans une lettre au «New York Times», il écrit que si Trump est sans doute un «narcissique de classe mondiale», on ne peut affirmer qu’il est atteint de maladie mentale puisqu’il n’exprime pas de souffrance personnelle.

Devoir de veille du psychiatre

A ceux qui analysent à distance le psychisme de leur président, Friedman rappelle aussi l’interdiction de cette démarche par la règle dite «de Goldwater» du code de déontologie de l’Association américaine de psychiatrie. Règle énonçant deux exigences éthiques: les psychiatres ne doivent pas donner d’avis sans examiner une personne et ne pas faire de déclaration publique sur la santé mentale de quiconque sans son consentement.

Mais est-ce si simple? Non, bien sûr. Il est vrai qu’observer de loin un patient ne permet pas de poser un diagnostic. Vrai aussi que ce sont les personnes que les psychiatres doivent avant tout respecter et prendre en charge. Mais leur rôle est en même temps plus large. Il consiste aussi à protéger la population. De manière délicate, détournée, car la psychiatrie n’est pas un dispositif à décerner des certificats d’aptitude. Mais elle a un devoir de veille culturelle. Une société libre a besoin de l’expertise des spécialistes du psychisme. Elle permet de lire le caché derrière les comportements, parfois de prédire ou prévenir des évolutions. Il serait fou que les seuls à pouvoir s’exprimer soient les animateurs de médias alternatifs.

Vision autocentrée et mégalomaniaque

Nulle nécessité d’examiner Trump pour en saisir les grands traits psychiques. Il émet des signaux à haut débit. Il se livre, il parle de lui, s’exprime sans retenue. Il a besoin d’attention et d’admiration comme de drogues. Rien ne lui importe autant que le succès, la force et la beauté. Il ne semble pas connaître l’empathie, s’estime supérieur, se montre xénophobe et raciste. Il ne supporte pas la réalité, parce qu’elle s’oppose à sa vision autocentrée et mégalomaniaque du monde. Et surtout, il déteste de manière maladive la critique et la défaite.

Or c’est ce Trump-là, cet individu qui ne cache rien de ses défauts mais au contraire s’en vante, que les Etats-Unis ont élu à leur tête. Le problème n’est donc pas seulement de diagnostiquer sa pathologie, au sens de la dévoiler à la population: elle est visible de tous. Non, davantage encore que dans le psychisme trumpien, le problème se noue du côté de la population. Pourquoi est-elle incapable de s’inquiéter des pathologies de ses dirigeants? Ou même, pire, plus intrigant, pourquoi tend-elle à choisir, plus que les autres, les dirigeants narcissiques, ceux qui se moquent de la réalité et n’hésitent pas à promettre l’impossible ou le dangereux?

Pathologie collective

A la majorité qui ne demande qu’à croire les chefs, la promesse folle mais séduisante, celle du «tout est possible, nos désirs sont plus forts que la science et que la retenue», semble bien plus réelle que la réalité, par exemple, celle du réchauffement climatique ou des ressources limitées. Autrement dit, les dirigeants pathologiques – Trump étant l’un des plus caricaturaux – se font élire parce qu’ils correspondent à un désir non moins pathologique de la population. Trump n’a rien à proposer. Il vit au-dessus de ses moyens (intellectuels). Mais il sait mettre en spectacle les idéaux irrationnels et les folles attentes du groupe. Il danse devant les foules en jouant de son charisme chargé de testostérone. Et les foules suivent.

D’un dirigeant isolé du système sociétal, impossible de saisir la véritable réalité pathologique. C’est sur le couple qu’il forme avec la population et ses propres pathologies que le regard psychiatrique doit porter. Avec la difficulté qu’il n’existe pas de spécialistes – ni même de science établie – des pathologies collectives des démocraties. Et que le délire des chefs et la crédulité des populations, l’autoritarisme des uns et le panurgisme des autres, n’existent et ne se comprennent que de manière systémique.

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