‘Obamacare’ Won’t Budge

<--

Indélogeable Obamacare

27 mars 2017 |François Brousseau | États-Unis | Chroniques

« L’Obamacare est parmi nous pour rester, dans un avenir prévisible. » L’air piteux après une défaite historique, c’est ce que déclarait vendredi Paul Ryan, leader de la majorité de droite à la Chambre des représentants de Washington.

Il prenait ainsi acte de l’incapacité du Parti républicain à s’unir pour jeter par terre le programme d’assurance maladie quasi universel adopté, exactement sept ans plus tôt, par une éphémère majorité progressiste (2009-2011) à la Chambre et au Sénat.

Après 15 mois de labeur et d’épiques manoeuvres politiciennes, cet accomplissement majeur et primordial de la présidence Obama avait été mis en place, avant d’être consolidé par deux jugements favorables de la Cour suprême, en 2012 et 2015.

Malgré la confortable majorité arithmétique des républicains sur les démocrates à la Chambre (une différence de 47 représentants entre les deux formations), l’échec s’explique par les divisions et les contradictions internes de cette coalition conservatrice et réactionnaire.

Un certain nombre de républicains, qu’on a appelés — par convention — « modérés » ou « centristes », mais qu’on pourrait aussi bien qualifier d’électoralistes, considéraient que l’improvisation des dernières semaines plus la cruauté des mesures annoncées (couverture santé amenuisée ; des millions de personnes se retrouvant « sans rien » du jour au lendemain, tout ça pour baisser les impôts des plus fortunés) ne méritaient pas leur vote.

À l’autre bout du spectre républicain, et plus nombreux (une trentaine), se trouvaient les représentants de l’extrême droite, ce qu’on appelle le « Freedom Caucus ». Des gens pour qui le fait de se retrouver « sans rien », tout nu dans la rue et sans aucun recours en cas de chômage, de maladie ou d’accident… eh bien, ce n’est là qu’un cas de figure de la sublime liberté à l’américaine. Des extrémistes pour qui l’État ne devrait rien avoir à faire, même minimalement, dans l’administration de la santé. La santé qui doit rester une affaire privée, jamais publique.

Pour ces idéologues, le projet soumis au vote — un misérable bricolage improvisé en quelques jours, qui conservait certains éléments de l’Obamacare, mais en lui coupant les moyens — ne pouvait suffire, puisqu’on restait en deçà de son abolition et du retrait pur et simple de l’État.

Résultat : avec une opposition démocrate unie, et au moins quarante républicains qui allaient voter non (avec des argumentaires divers), c’était la défaite assurée… et reconnue sans même aller au vote. Un vote qu’avait pourtant exigé le président Trump.

Il était d’une naïveté assez extraordinaire de croire que l’Obamacare, produit non seulement d’une grosse année de tractations et d’études à la Maison-Blanche et au Congrès en 2009 et 2010, mais de décennies de réflexions antérieures… pouvait trouver, comme ça, son remplacement en quelques semaines, au tout début d’une nouvelle présidence !

Comment tendre, dans ce pays, vers une couverture universelle… tout en préservant les assureurs privés, la santé privée, la liberté des patients et la Constitution américaine ? Finalement, dans ces conditions impossibles, l’Obamacare s’avère rétrospectivement, malgré ses défauts, un miracle d’équilibre et d’inventivité… ce que reconnaissent sans doute de plus en plus d’électeurs républicains.

Il est de notoriété publique que Donald Trump lui-même, la semaine dernière à Washington, n’avait qu’une idée très vague du contenu du projet sur la table, et de ses « stupides détails » (sic, c’est de lui). Tout en essayant ses stratagèmes de vendeur auprès des récalcitrants, il chuchotait à ses conseillers : « Mais est-ce que c’est vraiment un bon projet de loi ? »

Quel sera l’effet de cette déculottée sur la dynamique à suivre ? Symboliquement, il s’agit d’un énorme revers pour le nouveau régime au pouvoir à Washington, qui s’est montré dans cet épisode d’une impréparation et d’un amateurisme ahurissants.

Donald Trump se définit comme un « gagneur ». Or, cet épisode devrait, en principe, être humiliant, voire dévastateur pour lui. Mais ce personnage a montré plus d’une fois qu’il savait échapper à la loi de la gravité. Ces dernières heures, il a paru laisser tout cela derrière lui, abandonnant ses pauvres représentants à leur pagaille.

Ses prochaines batailles : la révision de loi sur les impôts (sujet byzantin) et la construction du mur. On peut imaginer que ces projets ne se réaliseront pas plus facilement que la révocation ratée de l’Obamacare. La réalité finira-t-elle par rattraper Donald Trump ?

About this publication