Abus de pouvoir
Galvaudage du système de justice américain, atteinte sans précédent aux institutions démocratiques, abus de pouvoir… La tempête que Donald Trump déclenche avec le congédiement du directeur du FBI, James Comey, est grave, « nixonienne ». Et le résultat, sous le signe d’un dangereux dérapage autoritaire, d’une maladresse politique consommée où M. Trump se trouve en fait à creuser contre lui les soupçons de collusion électorale avec la Russie.
Il n’est pas sans ironie que l’homme que M. Trump vient de chasser de la direction du FBI est tout à la fois celui qui l’aura aidé à devenir président des États-Unis en même temps que celui qui menaçait potentiellement l’avenir de sa présidence. Dixit des propos lus mardi matin dans le New York Times dans la foulée du congédiement de James Comey sous un prétexte présidentiel remarquablement mensonger — à savoir qu’il avait été mis à la porte par la Maison-Blanche pour sa mauvaise gestion de l’enquête sur l’usage d’un serveur privé de courriels par Hillary Clinton lorsqu’elle était secrétaire d’État.
Ce prétexte tient du détournement de vérité le plus grossier. Et M. Trump se couvre de ridicule pour avoir pensé même un instant être en mesure de faire avaler cette couleuvre aux Américains — hors les commentateurs de Fox News et ses partisans les plus aveuglés. Car il est limpide que M. Comey a été congédié parce qu’il faisait activement enquête sur l’ingérence de la Russie dans la dernière campagne présidentielle américaine et les soupçons de collusion entre les autorités russes et l’équipe électorale de M. Trump, sinon M. Trump lui-même, aux fins de nuire à la candidate démocrate.
Avec le résultat que la décision de remercier M. Comey se trouve en fait à accuser M. Trump d’avoir quelque chose à cacher. On soupçonnait déjà le président de ne pas être le plus fin des politiciens. On savait aussi que, pour la façon dont il est intervenu deux fois plutôt qu’une sur la scène publique pendant la campagne pour commenter l’enquête sur les courriels de Mme Clinton, M. Comey avait pour sa part manqué de jugement. Reste que le candidat Trump aura trouvé le directeur du FBI bien utile à sa cause électorale lorsqu’à 11 jours de l’élection présidentielle, le 28 octobre dernier, M. Comey annonçait qu’il rouvrait le dossier Clinton. Beaucoup de démocrates pensent avec raison que cette sortie, si près du jour du scrutin, aura décrédibilisé juste ce qu’il faut Mme Clinton pour permettre à M. Trump de l’emporter.
Ce congédiement semble d’autant plus intéressé politiquement qu’il a été recommandé au président par le procureur général Jeff Sessions, qui a lui-même dû se récuser en mars de l’enquête sur l’ingérence russe après qu’on eut appris qu’il avait caché pendant ses auditions de confirmation avoir rencontré deux fois pendant la campagne l’ambassadeur russe aux États-Unis… Ce qui donne l’impression chaque jour plus tenace qu’il existe au sommet du pouvoir le projet calculé d’empêcher que la lumière soit faite.
Le congédiement n’étouffera pas pour autant le débat. Il risque au contraire de lui faire prendre de l’ampleur. L’homme lige que M. Trump placera à la tête du FBI va sûrement enfler la polémique. Les appels à la nomination d’un procureur indépendant se multiplieront. L’enquête sénatoriale va suivre son cours — à la condition, en effet, que les républicains prennent leurs responsabilités.
Une crise aux dimensions du Watergate ? Une crise « nixonienne », en tout cas, pour le parallèle qu’elle évoque avec le congédiement, en octobre 1973, du procureur spécial Archibald Cox par Richard Nixon. Peut-être plus profonde encore, vu le mépris hallucinant affiché par M. Trump pour la norme démocratique et tous ceux qui osent lui barrer le chemin.
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