A Heartless Logic

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Bête et idéologique, la décision du président Trump de suspendre une épée de Damoclès au-dessus de la tête de 800 000 immigrants sème la détresse, nuit à l’économie américaine et présente des risques de crise migratoire grave.

En faisant annoncer mardi matin par son secrétaire à la Justice, Jeff Sessions, l’abrogation du programme DACA, Trump a peut-être pris la décision la plus stupide et la plus contre-productive de sa présidence. Ce qui n’est pas peu dire, étant donné l’incompétence avec laquelle il gouverne depuis son arrivée au pouvoir.

DACA, pour Deffered Action for Childhood Arrivals, est ce programme créé par décret par le président Barack Obama en 2012 et par lequel des sans-papiers arrivés aux États-Unis avec leurs parents alors qu’ils étaient enfants allaient dorénavant pouvoir obtenir un permis de séjour — renouvelable tous les deux ans — les autorisant à étudier et à travailler en toute légalité. M. Obama se trouvait ainsi à mettre un diachylon sur une partie des problèmes et des enjeux que soulève la présence d’environ 12 millions d’illégaux aux États-Unis. Initiative salutaire, néanmoins, étant donné l’incapacité depuis au moins 20 ans des démocrates et des républicains à s’entendre au Congrès sur une réforme globale du système d’immigration et des mesures de régularisation du statut de ces millions d’« illégaux » — parmi lesquels nombreux sont ceux à avoir fait leur vie et à s’être construit un foyer aux États-Unis.

La décision d’annuler DACA est illogique à tous points de vue. M. Trump, qui en avait fait une promesse électorale, n’a d’ailleurs pas eu le courage de l’annoncer lui-même, préférant déléguer M. Sessions, qui ne demandait sans doute pas mieux, comme il défend depuis toujours sur les questions migratoires des positions profondément rétrogrades.

Décision absurde et déconnectée de l’opinion publique : la majorité des Américains, y compris parmi les électeurs républicains, ont jugé dans un sondage du sérieux Pew Research Center que le programme était pertinent et méritait d’être prolongé.

Décision absurde et contre-productive dans le contexte socio-économique américain : environ 90 % des bénéficiaires du DACA, ces « Dreamers » comme on les appelle, occupent un emploi, et il a été établi que leur expulsion pourrait faire diminuer le PIB de 400 milliards $US sur dix ans…

Qu’à cela ne tienne : M. Sessions a soutenu que DACA avait empêché des centaines de milliers de citoyens américains de trouver du travail, qu’il était « un exercice inconstitutionnel d’autorité » — assertion sans grande crédibilité, vu le mépris affiché par cette présidence pour l’État de droit — et que « le défaut d’appliquer les lois dans le passé avait augmenté le risque de crime, de violence et de terrorisme dans notre pays ».

En fait, la seule logique qu’on puisse y trouver est celle du sans-coeur et du chauvinisme.

M. Trump a décidé qu’il était dans son intérêt de continuer de flatter la xénophobie de sa base électorale. Il se lave ensuite les mains du problème en mettant au défi le Congrès de trouver dans les six mois une solution et de clarifier par voie législative le statut de ces 800 000 jeunes sans-papiers. Les blocages au Congrès sont pourtant notoires et anciens en la matière. Il est peu plausible que les républicains, tirés à droite par leur aile dure, conviennent d’une loi favorable aux Dreamers, qui vont donc se retrouver dans les limbes, avec risques de crise migratoire créée de toutes pièces.

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