3 Lessons from Trump’s America

<--

Les trois leçons d’une Amérique trumpée

JEAN-MARC VITTORI / Editorialiste Le 31/10 à 09:37

Un an après son élection, Donald Trump n’a fait passer aucun changement majeur. Les seules avancées sont passées par décret. Au-delà de l’amateurisme, la démocratie elle-même est en jeu.

L’éléphant n’a même pas accouché d’une souris. Un an après avoir été élu président de la première puissance économique mondiale, neuf mois après avoir pris le pouvoir, Donald Trump laisse certes une trace médiatique immense. Tweettomane avéré, le président des Etats-Unis sature l’espace de l’information plus que n’importe lequel de ses prédécesseurs. Mais sa trace politique, elle, est à peine visible, et sa trace économique infime. Rarement aussi peu de décisions ont été adoptées en début de mandat. En moitié moins de temps, dans un pays qui n’est pas réputé pour son efficacité politique, le nouveau président français a fait passer une loi apparemment importante sur le travail et bâti un budget de rupture. Cette impuissance américaine donne trois leçons que nous aurions tort d’ignorer.

Le plus facile

D’abord, le constat. Donald Trump avait fait campagne sur des promesses fortes. Rééquilibrer le budget, supprimer l’assurance santé universelle instaurée par l’Obamacare, taxer les importations mexicaines à 35 % et chinoises à 45 %, expulser des millions d’immigrés illégaux, déréglementer la finance, encourager le charbon, lancer mille milliards de dollars de grands travaux, abaisser l’impôt sur les sociétés à 15 %… Souvenez-vous : après une seconde de stupeur, les investisseurs ont applaudi son élection à tout rompre. Les indices boursiers ont battu tous leurs records.

Mais les actes n’ont pas suivi. Il est trop tôt pour savoir si le président va réussir à faire passer ses projets budgétaires. On peut juste remarquer que les propositions soumises au Congrès sont nettement en deçà de son programme, que ce soit sur la baisse des impôts ou la maîtrise du déficit.

En revanche, il est possible de dégager des premières tendances sur d’autres dossiers majeurs. Sur le commerce international, Donald Trump a fait ce qui lui était le plus facile : dénoncer le traité de libre-échange transpacifique (le TPP, qui visait pourtant à endiguer la montée de la puissance chinoise en Asie) et durcir la position américaine dans la renégociation de l’accord commercial avec le Mexique et le Canada (NAFTA). Il pourrait bloquer l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce en refusant la nomination de nouveaux juges (qui doit être décidée à l’unanimité des 1264 pays de l’organisation). Il a lancé une enquête sur les importations d’acier, comme ses prédécesseurs. Mais les droits de douane prohibitifs semblent passés aux oubliettes.

Opposition des juges

Donald Trump ne réussit pas plus dans la santé. L’abrogation de l’Obamacare semblait pourtant une cible facile, tant le sujet a opposé parlementaires démocrates et républicains depuis plus de vingt ans. Mais le projet d’abrogation a échoué à quatre reprises au Capitole. Le président a donc pris une autre voie. Il a décidé, par décret, de permettre des dispositifs d’assurance santé moins larges et de supprimer les subventions de l’Etat fédéral au système.

Quand l’opposition ne vient pas du Congrès, elle vient des juges. La troisième version du décret anti-immigration , qui vise à interdire l’entrée aux Etats-Unis de citoyens en provenance de sept pays musulmans, a été retoquée par un juge du Maryland et un autre d’Hawaï. Quand les juges n’ont pas leur mot à dire, une agence indépendante peut décider l’inverse du président. Dans la finance, Donald Trump a nommé des personnalités très favorables à la déréglementation, comme Jay Clayton, le nouveau patron de la SEC (l’organisme de surveillance des marchés). Le Bureau de la protection financière du consommateur (CFPB) vient pourtant de durcir les règles des prêteurs sur salaire. Le président semble avoir davantage de succès avec les réglementations sur l’environnement. Etats et villes ne se privent pas de contrer l’action fédérale en la matière.

Formidable impréparation

La première année Trump pourrait se résumer simplement : le président est fou et la machine américaine des contre-pouvoirs, le fameux « check and balance », fonctionne parfaitement. Mais il faut aller plus loin. D’abord, le président a montré une formidable impréparation, dans le choix de ses équipes comme dans les grandes lignes de sa politique. Il n’est pas le seul. Au Royaume-Uni, tous les hérauts du « leave » ont disparu du paysage politique au lendemain du vote et on ne sait toujours pas ce que signifie « Brexit » seize mois plus tard. Même amateurisme du côté de Syriza, en Grèce. Et aussi, en France, du Front National et de Marine le Pen, comme on l’a vu lors du fameux débat télévisé du second tour. L’impréparation est une marque de fabrique du populisme.

Deuxième leçon : la fabuleuse capacité à se raconter des histoires. C’est le cas des investisseurs, qui ont acheté une politique qui n’a pas vu le jour, et qui se racontent d’autres histoires pour payer toujours plus cher. C’est le cas des électeurs de Trump, nombreux à continuer à lui faire confiance malgré son incapacité à agir. C’est le cas de Trump et de ses conseillers, qui veulent encore croire que la baisse des impôts va faire s’envoler les recettes fiscales.

Non-respect de la démocratie

La dernière leçon est plus inquiétante. Les présidents américains ont souvent tenté de contourner les blocages du Congrès. Avec Trump, c’est systématique (santé, commerce, finance…). Ce n’est plus seulement une question d’efficacité, cela devient une question de respect, ou plutôt de non-respect de la démocratie. L’attitude du président face aux médias pose la même question. Le monde libre n’est plus tout à fait ce qu’il était.

About this publication