Et si Donald Trump ne savait rien des immigrés africains?
Des études démontrent que la majorité des Africains arrivés aux Etats-Unis ont un meilleur niveau d’éducation que la moyenne des Américains
Aux Etats-Unis, le «shithole gate» n’en finit pas de provoquer des réactions outrées. «Shithole»: selon le Washington Post, qui a déclenché la polémique jeudi, c’est le mot utilisé par Donald Trump lors d’une réunion à huis clos avec des membres du Congrès, pour qualifier les immigrés africains, du Salvador et de Haïti accueillis aux Etats-Unis. Un mot qui renvoie aux latrines à trou, souvent traduit en français, dans ce contexte précis, par l’expression «pays de merde». «Trous à rats» serait tout aussi adéquat.
Cinquante-quatre ambassadeurs du groupe africain de l’ONU viennent de condamner ces remarques «scandaleuses, racistes et xénophobes». Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est aussi monté au créneau. Pris dans un tourbillon de condamnations, le président des Etats-Unis dément avoir utilisé ce mot. Tout en concédant avoir exprimé des qualificatifs «durs».
Mieux formés
Quels que soient les propos prononcés, et alors que les réactions les plus virulentes proviennent de gouvernements africains, une chose est sûre: Donald Trump, déjà épinglé pour des propos racistes, semble méconnaître le profil des immigrés africains. Car, des études le prouvent, la plupart de ceux qui vivent aujourd’hui aux Etats-Unis disposent d’un meilleur niveau d’éducation que la moyenne des Américains.
Entre 2010 et 2015, le nombre d’immigrés d’Afrique subsaharienne (49 pays) arrivés aux Etats-Unis est passé de 881 000 à 2,1 millions, souligne le Pew Research Center. Ils représentent environ 4,5% du nombre total d’immigrés et, comme le rapporte un article du Los Angeles Times, proviennent essentiellement de cinq pays: le Nigeria, le Ghana, le Kenya, l’Ethiopie et l’Afrique du Sud. Près d’un quart est des réfugiés qui ont fui des persécutions et des conflits armés.
Mais 17% des ressortissants d’Afrique noire devenus résidents permanents sont arrivés via le «diversity visa program», ce système de loterie mis en place en 1990 permettant chaque année à près de 50 000 participants d’obtenir les très convoitées «green cards» (permis de séjour permanents). C’est ce que précise un rapportpublié en mai 2017 par le Migration Policy Institute basé à Washington. Ce chiffre n’est que de 5% rapporté à l’ensemble des immigrés aux Etats-Unis. N’importe qui ne peut pas participer à cette loterie: il faut au moins être au bénéfice de l’équivalent d’un diplôme de fin d’études secondaires ou avoir deux ans d’expérience professionnelle dans des domaines précis.
Surtout, selon ce même rapport, 41% des 1,4 million d’immigrés africains de plus de 25 ans ont un niveau de bachelor. Le chiffre descend à 30% si on prend en compte l’ensemble des immigrés. Les citoyens nés aux Etats-Unis ne sont que 32% à pouvoir prétendre à cette catégorie. Une autre étude, publiée par The New American Economy, corrobore ces faits et conclut, chiffres à l’appui, que la contribution des immigrés africains à l’économie américaine est évidente.
Trump veut instaurer un système au mérite
La réunion lors de laquelle Donald Trump a tenu les propos controversés portait sur le programme DACA, qui a permis à près de 700 000 clandestins arrivés mineurs aux Etats-Unis d’être régularisés. Le président a mis fin au programme en septembre, tout en donnant au Congrès jusqu’à mars pour trouver une solution pour ces «Dreamers». Son abrogation vient d’être suspendue par un juge fédéral de Californie. Donald Trump serait prêt à un compromis pour autant que le Congrès accepte de financer son projet de mur entre les Etats-Unis et le Mexique, ce qui est loin d’être gagné. Mais il veut également mettre fin à la loterie annuelle des «green cards», et instaurer une politique d’immigration stricte basée sur le mérite. C’est dans ce cadre-là qu’il aurait prononcé la phrase, désormais contestée: «Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici?»
Selon des sources anonymes citées dans le Washington Post, le président faisait surtout allusion à des pays africains, à Haïti et au Salvador. Dimanche, il s’est une nouvelle fois, sur Twitter, positionné en faveur d’un système au mérite: «En tant que président, je veux des gens qui viennent dans notre pays pour nous aider à retrouver notre force et notre grandeur, des gens qui viennent via un système basé sur le mérite. Plus de loteries! #L’AMERIQUE D’ABORD».
Mia Love, une députée républicaine de l’Utah d’origine haïtienne, s’est sentie très humiliée par les déclarations de son président, assurant ne pas pouvoir «défendre l’indéfendable». Bernard Lagat, un ex-champion du monde d’athlétisme devenu Américain en 2004, a également donné de la voix, sur Twitter: «Je suis le fils d’un continent étincelant qui s’appelle l’Afrique, et j’en suis fier. Mon héritage est profondément ancré dans mes racines kényanes. L’Afrique n’est pas merdique, Monsieur Trump!».
Sans oublier le satiriste sud-africain Trevor Noah, qui mène une carrière fulgurante aux Etats-Unis. «Comme ressortissant de «South Shithole», je me sens particulièrement offensé», a-t-il déclaré dans son Daily Show, avec son habituel humour grinçant. C’est sur un ton plus sec que son pays d’origine a décidé, ce lundi, de signifier sa révolte à l’ambassadeur américain en poste à Johannesburg.
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