Pyongyang – Washington: peut-être que oui, peut-être que non
L’homme que Donald Trump a qualifié de «joueur de poker de niveau mondial», le président chinois Xi Jinping, est en train de rafler la mise dans le bras de fer qui se joue entre Washington et Pyongyang au sujet d’une rencontre chantée au rythme du «y aura, y aura pas». Unique allié du régime nord-coréen, la Chine avait pourtant encouragé début mars la tenue du sommet Trump-Kim pour dissiper les nuages nucléaires qui s’amoncelaient au-dessus de la péninsule asiatique. C’était là un pari audacieux que l’oncle Xi faisait en parfaite connaissance de cause, convaincu que le rapprochement entre Washington et Pyongyang ne se fera nullement au détriment de la Chine.
Seulement, il fallait faire preuve de prudence et prendre le sens du vent. Après avoir ignoré le dirigeant nord-coréen pendant des années et pris part, sans enthousiasme certes, mais avec conviction, aux sanctions internationales décrétées contre le programme nucléaire nord-coréen, le président Xi Jinping a soudain changé de méthode, recevant, dans le cadre d’un approfondissement des liens spectaculaire, Kim Jong Un par deux fois en six semaines. D’aucuns susurrent que Pékin tenait à convaincre Kim de ne pas trop se laisser abuser par les promesses de l’administration Trump, au risque de se voir infliger un scénario à l’irakienne ou, comme aiment à dire les dirigeants américains, à la libyenne. Pour son hôte, Kim Jong Un devait avancer prudemment dans le processus de dialogue et éviter de se laisser enfermer dans des engagements fermes. Apparemment, il a été entendu puisqu’au plus fort de l’embellie et des louanges tressées par le président Trump et son entourage proche, Pyongyang a brusquement changé le fusil d’épaule et clairement écarté l’idée d’une dénucléarisation «totale», avant ou lors de la tenue du sommet de Singapour, arguant des exercices militaires américano-sud-coréens annuels qui sont une menace explicite.
Pour certains observateurs, le tournant a eu lieu dans la station balnéaire chinoise de Dalian où le dirigeant nord-coréen était reçu pour une seconde rencontre avec Xi Jinping, le 7 mai dernier. Dès le lendemain de cet entretien, en effet, Pyongyang a durci le ton et, bien sûr, cela n’a pas échappé au président Trump qui a aussitôt vu en Xi Jinping «un joueur de poker» exceptionnel. Comme on pouvait s’y attendre, Pékin a promptement balayé l’accusation, affirmant ne pas avoir «d’arrière-pensées» et mettant en garde Washington dans sa tentative de faire de la Chine le bouc-émissaire de l’échec du processus, échec dont la responsabilité incombe «aux seuls faucons de l’administration Trump». De fait, qu’aurait eu à gagner la Chine dans l’abandon du processus synonyme, à brève échéance, d’un retour à l’option militaire contre la Corée du Nord. Que Pékin veille au maintien d’un certain équilibre entre sa relation avec Pyongyang et celle encore improbable entre les Etats-Unis et la Corée du Nord relèverait, après tout, d’une stratégie légitime. Qui plus est, le boom économique dont peut se prévaloir la Chine nouvelle peut aisément compenser les promesses aléatoires de l’administration Trump quant à un développement spectaculaire de la Corée du Nord tant espéré par Kim Jong Un qui en fait désormais sa priorité stratégique au même titre que le nucléaire.
Autre signal fort de la volonté chinoise d’apaiser le climat dans la région, l’appel de Pékin à faire preuve de «bonne volonté» ne va pas dans le sens d’une quelconque rupture du processus, bien au contraire, la Chine ayant tout intérêt à assumer un rôle pondérateur autant que décisif, à l’heure où des négociations difficiles sont menées avec les Etats-Unis dans le domaine commercial. En ramenant à la table des discussions les deux parties, elle aurait sans aucun doute le beau rôle et pourrait en espérer des dividendes.
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