Triangular Entanglements in North Korea

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Que le président Donald Trump annonce jeudi l’annulation de son sommet du 12 juin à Singapour avec Kim Jong-un n’a surpris qu’à moitié. Qu’il rouvre vendredi la porte à la tenue de la rencontre n’était pas plus inattendu. L’homme a pour ainsi dire fini de nous étonner. Et comme elle s’articule en dehors des sentiers battus de la diplomatie traditionnelle, la relation que Trump et Kim ont développée est marquée au sceau d’une improvisation singulière. Il est à espérer que leurs pirouettes finiront par jeter les bases de perspectives concrètes de paix.

En maître du jeu, le régime nord-coréen a eu cette semaine des accès de colère contre le « modèle libyen » évoqué par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, puis par le vice-président Mike Pence. Une solution qui avait vu Mouammar Kadhafi être finalement renversé après avoir renoncé à son programme nucléaire en 2003 dans l’espoir que soient levées les sanctions occidentales contre la Libye. Les emportements de Pyongyang auront servi à avertir M. Trump de tenir en laisse ses faucons. Encore qu’il n’est pas interdit de penser que l’opaque dictature de Kim Jong-un n’est pas homogène non plus et que sur lui aussi s’exercent des pressions provenant de l’aile la plus dure du régime.

Toujours est-il que Pyongyang a posé ces dernières semaines une série de gestes tangibles de bonne volonté. Il a stoppé les essais nucléaires et balistiques, libéré trois ressortissants américains et fermé, il y a quelques jours, le site d’essais nucléaires de Punggye-ri — sans obtenir la moindre contrepartie américaine, sauf pour quelques flatteries de la part de M. Trump et une ouverture très ténue à l’idée d’une approche étapiste de la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Il ne faut pas perdre de vue que la Chine est en cette affaire un joueur incontournable. C’est un grand poker triangulaire. Le président chinois, Xi Jinping, a rencontré M. Kim deux fois en moins d’un mois et demi, après l’avoir complètement ignoré depuis son arrivée au pouvoir en 2011. Pékin veut pouvoir tirer profit du rapport de force que Pyongyang a établi avec Washington. Si la Chine veut voir se calmer les tensions dans la péninsule coréenne, elle ne veut pas pour autant qu’un éventuel apaisement diminue son influence dans la région. La Corée du Nord ne sait que trop bien, de son côté, que son développement passe par la Chine.

Le président sud-coréen, Moon Jae-in, ne renoncera pas quant à lui à jouer les intermédiaires et à tendre la main à Kim. Une main que Pyongyang s’est en fait vite trouvé à ressaisir en se déclarant disposé à dialoguer avec Washington malgré l’annulation du sommet. Ni Kim ni Trump n’ont envie de rompre le rapprochement qui se dessine.

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