Juncker, a Deal-maker

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L’accord conclu entre le président de la Commission européenne et Donald Trump marque une désescalade dans les tensions commerciales. Son contenu et les concessions européennes restent cependant flous.

Jean-Claude Juncker était arrivé à Washington avec l’espoir un peu fou de convaincre un président déraisonnable, Donald Trump, d’être raisonnable. Pari gagné sur le terrain verbal : le président de la Commission européenne -bien aidé en cela par les milieux économiques d’Outre-Atlantique- a réussi à ramener le chef d’Etat américain à de meilleures dispositions vis-à-vis de l’Europe . C’est la preuve que la « stratégie du fou » choisie par le locataire de la Maison-Blanche, qui consiste à être imprévisible, fonctionne aussi dans celui de la désescalade. C’est la démonstration surtout que l’église peut être remise au centre du village. Etats-Unis et Europe ont des intérêts communs, leur priorité est de lutter ensemble contre les pratiques véritablement déloyales, par exemple celles de la Chine. Pour tout cela, se mettre autour d’une table est préférable.

Aucune date, aucun chiffre

Le ton a changé et c’est donc une bonne chose. Le climat de tensions entre les deux rives de l’Atlantique commençait en effet à faire peser des risques économiques. Maintenant, qu’en est-il sur le fond, ce qui est, il faut le rappeler, le plus important ? Le contenu du « deal » est trop imprécis pour que l’on sache exactement ce qui va se passer (aucune date, aucun chiffre, comme dans l’accord nord-coréen !). Au-delà du cessez-le-feu, le Vieux Continent évite une taxation accrue de ses exportations de voitures, qui paniquait les Allemands ; en contrepartie, il fait des gestes pour importer davantage de soja et de gaz américains, même si la portée concrète de ces gestes est incertaine. On dira qu’entre celui qui renonce à une menace et celui qui consent une ouverture sonnante et trébuchante, c’est le premier qui remporte la mise à court terme. C’est vrai, d’autant plus que les taxes sur l’acier sont toujours là et que pas un mot n’est dit à propos de l’impérium américain concernant les sanctions sur l’Iran. Mais l’Europe obtient satisfaction sur le retour (possible, pas certain) du multilatéralisme à moyen terme.

Berlin satisfait, Paris critique

Ce changement de pied de Donald Trump doit au total être pris avec la prudence qui convient, la stabilité n’étant pas sa caractéristique première. Chaque capitale en Europe va aussi regarder ce qu’il en est pour elle, la satisfaction de Berlin contrastant avec la réserve de Paris . En réalité, il est vraisemblable que la nouvelle attitude du président américain soit la conséquence de son fiasco face à Vladimir Poutine la semaine dernière. Il avait donné l’impression de mieux « traiter » le leader russe que les vieux alliés européens, le tir est corrigé. Mais une autre observation peut être faite. Jean-Claude Juncker a certes eu la chance d’aller à Washington au bon moment et il a pu obtenir ce que ni Emmanuel Macron ni Angela Merkel n’avaient obtenu. Mais il a montré aussi que, loin d’être la technocratie que dépeignent les populistes, l’exécutif européen peut faire de la politique… et de la communication.

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