Trump-Erdogan: A Lost Duel

Published in Le Monde
(France) on 16 August 2018
by Editorial (link to originallink to original)
Translated from by Kristin Dale. Edited by Arielle Eirienne.
The dramatic crisis unfolding between the United States and Turkey, allies within NATO, could have serious economic and diplomatic repercussions.

With the main participants – eruptive populist Donald Trump and fastidious autocrat Recep Tayyip Erdogan – putting so much testosterone into their diplomatic policies, there is too much uncertainty to make predictions about the current scrimmage between the United States and Turkey.

In fact, a dramatic crisis has been unleashed between the two countries. It’s been brewing for months. Unsuccessfully, Ankara demanded that the Americans extradite Fethullah Gulen, leader of the association to which the Turkish president attributes the birth of the attempted coup d’état in July 2016. Also unsuccessfully, Washington demanded that Ankara release an American evangelist pastor that Turkish authorities accuse, in a rather far-fetched way, of having been involved in this attempted coup. Coupled with serious differences over the war in Syria is the fact that Washington supported Kurdish Syrian forces in driving out the Islamic State while Ankara is trying to eradicate all forms of the Kurdish movement, in its own land as well as in Syria.

Within a matter of days, this abscess worsened. On Friday, Aug. 10, Trump announced that he would double the tariffs on Turkish steel and aluminum exports. These sanctions were enough to plunge the Turkish lira into a violent monetary storm and threaten to destabilize an economy already weakened by inflation and public debt. Erdogan immediately denounced the “political scheme” that Washington had incited and called for his supporters to back him in this “national battle” in the name of Allah against the dollar.

Paris and Berlin’s Awkward Position

Bearing in mind that the United States and Turkey have long been allies, both being cornerstones of NATO since the era of the Cold War with Russia, and connected by a mutual defense treaty and solid military exchanges (American nuclear weapons, notably, are based in Incirlik, Turkey), this straw man argument is unprecedented. The economic repercussions could be serious, for the Turkish economy, obviously, but more so for international banks, especially those in Europe, to which Turkish companies are heavily indebted.

The possible diplomatic repercussions are just as serious. “We will start looking for new friends and allies,” Erdogan proclaimed. Consumed by his dreams of restoring Ottoman grandeur, he is trying to organize the formation, around Ankara, of an “axis of resistance” to the United States.

He also seeks to obtain support from Europeans, whom he has the significant means to blackmail since he agreed to control the flow of migration from the Middle East. The lack of response from France and Germany to the Turkish president’s proposition of a four-way meeting with Russia in September to discuss Syria says a lot about Paris and Berlin’s awkward position.


Editorial. La crise spectaculaire qui s’est déclenchée entre les Etats-Unis et la Turquie, alliés au sein de l’OTAN, pourraient avoir de graves répercussions économiques et diplomatiques.

Editorial du « Monde ». Avec des acteurs principaux – le populiste éruptif Donald Trump et l’autocrate sourcilleux Recep Tayyip Erdogan – qui mettent autant de testostérone dans leur pratique diplomatique, il est pour le moins aléatoire de préjuger de l’issue de l’empoignade actuelle entre les Etats-Unis et la Turquie.

En effet, c’est une crise spectaculaire qui s’est déclenchée entre les deux pays. Elle couvait depuis des mois. Sans succès, Ankara réclamait aux Américains l’extradition de Fethullah Gülen, le chef de la confrérie à laquelle le président turc attribue la paternité de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016. Sans plus de succès, Washington exigeait d’Ankara la libération d’un pasteur évangéliste américain accusé par les autorités turques, de façon très fantaisiste, d’avoir été mêlé à cette tentative de coup d’Etat. A quoi s’ajoutaient de sérieuses divergences sur la guerre en Syrie, Washington soutenant les forces kurdes syriennes pour chasser l’organisation Etat islamique quand Ankara entend éradiquer, sur son territoire comme en Syrie, toute forme de mouvement kurde.

En quelques jours, ces abcès ont dégénéré. Vendredi 10 août, Donald Trump a annoncé le doublement des droits de douane sur les exportations d’acier et d’aluminium turques. Ces sanctions ont suffi pour plonger la livre turque dans une violente tempête monétaire et pour menacer de déstabiliser une économie fragilisée par l’inflation et l’endettement public. M. Erdogan a immédiatement dénoncé un « complot politique » fomenté par Washington et appelé ses partisans à le soutenir dans cette « bataille nationale », au nom d’Allah contre le dollar.

Embarras de Paris et de Berlin

Quand on sait que les Etats-Unis et la Turquie sont des alliés de longue date, piliers de l’OTAN depuis les années de la guerre froide contre l’URSS, liés par un traité de défense mutuelle et par de solides échanges militaires (des armes nucléaires américaines, notamment, sont basées à Incirlik, en Turquie), cette bataille de chiffonniers est sans précédent. Ses répercussions économiques peuvent être sévères. Pour l’économie turque, évidemment, mais plus largement pour les banques internationales, européennes en particulier, auprès desquelles les entreprises turques sont lourdement endettées.

Ses conséquences diplomatiques possibles ne sont pas moins graves. « Nous cherchons de nouveaux amis et de nouveaux alliés », claironne désormais M. Erdogan. Tout à ses rêves de grandeur ottomane restaurée, ce dernier tente de mettre en scène la constitution, autour d’Ankara, d’un « axe de résistance » face aux Etats-Unis.

Il cherche ainsi à obtenir l’appui des Européens, vis-à-vis desquels il dispose d’un sérieux moyen de chantage depuis qu’il s’est engagé à contrôler les flux migratoires en provenance du Proche-Orient. L’absence de réponse de la France et de l’Allemagne à la proposition du président turc d’une rencontre à quatre, avec la Russie, sur la Syrie en septembre, dit assez l’embarras de Paris et de Berlin.

Vladimir Poutine, au contraire, fait son miel de cette crise et a immédiatement dépêché son ministre des affaires étrangères à Ankara. Dans l’immédiat, il joue gagnant à tous les coups, tant l’affaiblissement de l’OTAN est, pour lui, un objectif stratégique.

Avant de pousser trop loin leur bras de fer, Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan seraient bien inspirés d’en prendre conscience. Sauf à se retrouver, l’un et l’autre, perdants. Le premier parce qu’il aurait perdu un allié de poids dans la région, le second parce qu’il se retrouverait dans la main de Moscou.
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