Trump Won

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Trump a gagné

L’entente commerciale intervenue entre le Canada et les États-Unis est d’abord une victoire pour le président américain, Donald Trump, mais aussi pour l’industrie ontarienne de l’automobile, qui voit disparaître la menace de tarifs douaniers de 25 % sur ses exportations.

En exigeant qu’un plus grand nombre de voitures vendues aux États-Unis sans droits de douane soient faites de pièces majoritairement fabriquées en Amérique du Nord, dont un fort pourcentage par des travailleurs gagnant au moins 16 $ l’heure, les États-Unis reconnaissent l’importance de l’intégration de cette industrie tout en limitant le risque de délocalisation au profit du Mexique.

L’Ontario sort ainsi seul grand gagnant canadien de l’exercice, comme le voulait Ottawa, puisqu’il pourra continuer à exporter, et même augmenter ses exportations de voitures de 40 % sans droits de douane.

Dans l’ensemble, il est clair que le Canada est surtout parvenu à éviter le pire, mais que les gains réalisés par Washington sont, somme toute, assez modestes.

Pour le Canada, la disparition du chapitre 11, permettant aux entreprises américaines de poursuivre l’État lorsqu’elles se sentaient lésées par une décision gouvernementale, est une bonne chose. À cause de cet article de l’ALENA, Ottawa a dû verser plus de 350 millions de dollars à des entreprises américaines au fil des ans.

Parmi les clauses importantes qui ont été sauvegardées malgré la volonté initiale des Américains de les abolir, mentionnons l’exemption culturelle et le mécanisme de règlement des différends, le fameux chapitre 19.

La bataille culturelle n’est pas gagnée pour autant puisque de plus en plus d’oeuvres échappent désormais aux circuits traditionnels (cinémas, télévision, etc.) pour être diffusées sur le Web.

Quant au règlement des différends, il aurait été suicidaire de laisser les tribunaux américains trancher les litiges en fonction de leur propre interprétation de cet accord trilatéral.

Cela dit, si l’AEUMC met fin au climat d’incertitude entourant les relations commerciales entre les trois pays, il comporte plusieurs reculs pour le Canada, à commencer par la nécessité de le renégocier dans seize ans.

En matière de produits pharmaceutiques, le Canada a accepté de prolonger la durée des brevets pour les nouvelles gammes de produits dits biologiques, ce qui aura pour conséquence de retarder l’arrivée des génériques et d’augmenter les prix.

Ottawa voulait favoriser la mobilité interfrontalière de la main-d’oeuvre professionnelle, les États-Unis ont refusé. Il voulait exclure les sociétés canadiennes des dispositions du Buy America Act, il a échoué.

Rien n’a été prévu pour empêcher Washington d’avoir recours à l’argument de la sécurité nationale pour imposer des tarifs spéciaux, comme il l’a fait pour l’acier (25 %) et l’aluminium (10 %). Il est question d’en négocier la disparition en échange de quotas d’exportation d’ici 60 jours, mais on devine qui devra respecter de tels quotas.

Il n’y a rien non plus pour régler le conflit du bois d’oeuvre, qui perdure depuis des décennies.

En agriculture, la gestion de l’offre a été protégée, mais au prix d’une plus grande ouverture du marché canadien du lait, des oeufs et de la volaille. En vertu de l’accord, les producteurs américains auront maintenant accès à 3,6 % du marché canadien du lait et pourront reprendre la vente de protéines de lait interrompue il y a deux ans par une décision par ailleurs fort contestable de la Commission canadienne du lait. Cela portera à près de 20 % la présence de produits étrangers sur nos tablettes.

Lundi, tous les partis politiques en fin de campagne électorale au Québec ont dénoncé cette importante concession, malgré l’engagement pris par Justin Trudeau d’indemniser les producteurs. Ils ont raison, car les producteurs de lait, dont 50 % sont au Québec, sont ceux qui perdent le plus dans cette nouvelle entente. Mais si l’on veut être honnête, il faut reconnaître que le comportement essentiellement défensif adopté par l’industrie et les gouvernements depuis 25 ans a mené cette industrie dans un cul-de-sac. Le système de gestion de l’offre est de plus en plus difficile à défendre pour un pays qui combat le protectionnisme et revendique un accès sans tarifs douaniers aux marchés étrangers.

Contrairement à ce que répète le premier ministre Trudeau, l’AEUMC n’est pas un accord gagnant-gagnant. On a sauvé les meubles, sans plus, et c’est surtout l’agriculture, le bois et l’aluminium du Québec qui feront les frais des priorités du gouvernement Trudeau.

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