Donald Trump, More Removed from Reason than Ever

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Nous y voilà, ce moment prévisible, tant imaginé et si redouté qu’on avait même fini par l’intégrer comme s’il était advenu depuis longtemps, et qu’on avait apprivoisé d’autant plus facilement qu’il ne paraissait pas avoir produit les effets annoncés…

Ce « moment Folamour » de la chronique géopolitique mondiale. Rappelons que le Docteur Folamour est le personnage éponyme du film de Stanley Kubrick de 1964 : persuadé que l’Union soviétique complote afin de polluer les « précieux fluides corporels » des Américains, le président américain décide de lancer ses bombardiers sur l’URSS.

Quitté par « le dernier adulte dans la salle » qu’était le secrétaire à la Défense Jim Mattis, Donald Trump est désormais devenu ce président plus isolé que jamais des forces de la raison, plus sûr de la justesse de son instinct.

Un président qui passe de plus en plus de son temps de travail dans ses appartements privés à regarder Fox News, la télécommande dans une main et dans l’autre le smartphone par lequel il communique à son administration et au monde éberlués ses décisions. Toutes décisions qui ont pour unique inspiration l’instinct trumpien qui lui dicte qu’il doit se couper du monde entier – à commencer par les alliés – qui complote pour tirer efficacement avantage de son pays. On ne peut nier la cohérence dans ces décisions qui ne paraissaient subites qu’aussi longtemps qu’il se trouvait suffisamment de responsables dans l’entourage de M. Trump pour les freiner ou les amender.

Lors d’une séance où M. Mattis avait fait présenter au président, slides et graphiques à l’appui, combien les Etats-Unis devaient leur hyperpuissance à leur réseau d’alliances, Donald Trump avait interrompu la démonstration par un net : « C’est précisément ce dont je ne veux pas. »

Devenu Folamour d’autant plus dangereux qu’il est menacé – par la nouvelle majorité démocrate, par l’enquête du procureur Mueller sur la collusion avec la Russie… – M. Trump est un danger pour la sécurité de son propre pays et de ses concitoyens : c’est évidemment d’abord l’affaire de la classe politique et des citoyens américains. Mais le danger qui résulte de ce mélange d’isolationnisme et d’égotisme hystérique se pose aussi aux Européens. « Qui convaincra Trump de ne pas se retirer de l’Otan ? », interrogeait sur Twitter un ancien ambassadeur israélien ? La question se pose. L’Europe n’a pas l’habitude d‘anticiper les crises, et comme l’explique bien le philosophe et historien Luuk van Middelaar, elle ne prend les décisions vitales que dans l’urgence et sous la pression des événements. Pourtant, même s’ils sont eux-mêmes souvent empêtrés dans des crises internes, nos dirigeants européens feraient bien de commencer à travailler sur les scénarios hier encore improbables, où l’Europe se retrouvera soudain strictement seule, privée du bouclier américain, face aux dangers géostratégiques qui l’entourent.

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