Populism Is a Luxury of Superpowers

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CHRONIQUE. Donald Trump peut se permettre de jouer cavalier seul parce qu’il est à la tête de la première puissance mondiale. Pour la Grèce, la Grande-Bretagne ou l’Italie, le retour d’une prétendue souveraineté perdue est un mythe : leur petite taille les empêche de peser dans le jeu mondial.

La leçon du fiasco de l’expédition de Suez de 1956 s’applique : mêmes unis, Français, Anglais et Israéliens n’ont alors pas eu la puissance militaire et diplomatique pour récupérer le canal nationalisé par Nasser. Ils ont dû céder aux deux grands, Russes et Américains. Après la Grèce, après l’Italie, c’est au tour de la Grande-Bretagne de le comprendre : le « regain » de souveraineté promis par les populistes s’avère une impossibilité . Quelles que soient leurs promesses ronflantes, les dirigeants doivent, « nolens volens », rentrer dans le rang.

Il y a, bien entendu, Donald Trump. Lui démontre l’inverse : il renégocie l’Alena, il attaque la Chine et les voitures allemandes, il se retire de l’Accord de Paris sur le climat, il rompt le traité nucléaire signé avec l’Iran. Trump fait ce qu’il a dit . Contrairement à tous les pronostics de départ qui assuraient qu’il allait se plier aux impératifs des diplomates et aux avis des « experts sérieux » de Washington, le président, après avoir tergiversé un an, ne les écoute plus, il les a écartés et il décide seul. Son électorat lui reste fidèle pour être, du moins en apparence, en accord avec ses promesses.

La raison en est la taille des Etats-Unis, première puissance économique, monétaire, militaire et technologique mondiale. Quand Trump attaque le Mexique, le Canada, l’Europe et même la Chine, il leur fait mal. Quand il met un embargo sur l’Iran, celui-ci s’applique à toutes les entreprises non américaines par l’externalité du droit américain et par la force du dollar.

Personne ne peut se passer des Etats-Unis. Le résultat est en vérité un désastre américain que symbolise le shutdown de l’administration, et un chaos mondial puisque Trump détruit l’ordre libéral et multilatéral qui avait, justement, assuré la Pax Americana. Au terme de son mandat, Trump, en s’isolant, n’aura pas affaibli l’ordre chinois mais l’aura consolidé. Mais en attendant le jugement de l’histoire, la taille des Etats-Unis lui permet d’appliquer sa vision populiste.

Pour toutes les petites et moyennes puissances, il en va tout autrement. En Grèce, le parti Syriza a été élu au nom de la résistance face aux diktats de Bruxelles . Mais son chef, Aléxis Tsípras, a vite perçu qu’il avait besoin de l’argent de l’Europe dans la crise et qu’il fallait forcément en passer par ses contraintes. Partir de l’Union, faire cavalier seul, eût été sauter dans l’abîme. Même si l’on peut discuter de la violence du traitement qu’elle a subi, la Grèce ne regrette pas d’avoir abandonné les illusions populistes.

L’Italie suit le même chemin. Les deux populismes d’extrême droite et d’extrême gauche en ont rapidement rabattu sur leurs prétentions . L’étrange couple ne fait, finalement, presque rien. A l’exception de l’immigration, aucune promesse n’est tenue, sauf sous une forme cosmétique. On peut dire la même chose des gouvernements d’Europe de l’Est. Ils bloquent leurs frontières aux migrants, mais sur les autres sujets comme l’indépendance de la justice, ils finissent par plier. Ils ont trop besoin des aides européennes, et plus largement de leur appartenance à l’UE.

Ce reniement général ne vient pas d’une prétendue volonté bruxelloise d’« écraser la volonté des peuples » mais tout simplement de la réalité du monde et du fait incontournable que plus aucun petit pays ne peut prétendre à une « souveraineté ». Que les Brexiters ne se sont souvenus de Suez ! Leur promesse de sortir la Grande-Bretagne de l’Union a séduit le peuple, mais l’illusion d’une souveraineté « retrouvée » apparaît aujourd’hui évidente . La Grande-Bretagne a buté sur l’indifférence des Vingt-Sept. Vous voulez partir ? On s’en moque.

Theresa May, au début, a tergiversé , comme Trump, puis elle a compris qu’elle devait sauver les meubles, choisir le moins mauvais possible. Son compromis permet à la Grande-Bretagne de rester au plus proche du marché unique mais, disent ses détracteurs, il revient à accepter les règles européennes sans plus participer à les fixer. En fait de regain de souveraineté, c’est une perte. Ils ont raison.

Mais quelles sont les autres issues ? Le « no deal » signifie plonger dans l’abîme commercial, financier, industriel. C’est « un mythe », conclut « The Economist » et seule une poignée de députés le souhaitent. Accepter de rester ad vitam dans l’Union douanière ? Mais où est la souveraineté ? Ou bien faire revoter par référendum, en espérant mettre un point final à cette tragédie populiste qui n’a que trop duré.

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