House of Trump

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Donald Trump n’est pas Frank Underwood et sa présidence n’est pas totalement à l’image de la série télévisuelle House of Cards. Mais tandis que ce dimanche 20 janvier marquait son deuxième anniversaire à la Maison-Blanche, il ne semble pas exagéré d’affirmer que lui et le fameux personnage joué par Kevin Spacey ont au moins un point commun : leur pragmatisme impitoyable. Dans le documentaire Get Me Roger Stone, l’un des conseillers de campagne de Trump en 2016, Roger Stone, résume bien la devise qui semble guider le président et son équipe depuis le début : « Il faut gagner à tout prix et par tous les moyens, hormis violer les lois. »

Alors que le procureur spécial Robert Mueller poursuit son enquête sur l’implication de la Russie dans la présidentielle américaine de 2016, Trump pourrait toutefois avoir de plus en plus de mal à convaincre qu’il n’a pas franchi cette ligne.

Pour mettre la main sur la Maison-Blanche, il aurait effectivement demandé à son avocat, Michael Cohen, d’acheter le silence de l’actrice porno Stormy Daniels à propos de ses affaires extraconjugales, et de payer une firme pour qu’elle truque des sondages sur les intentions de vote des Américains à son égard. Il y a quelques jours, un autre avocat de Trump, l’ancien maire de New York Rudy Giuliani, laissait cette fois sous-entendre qu’il n’était pas impossible que des membres de l’équipe de campagne de Trump aient fait preuve de collusion avec les Russes en 2016, contrairement à ce que la Maison-Blanche affirme depuis le début.

Ces révélations ne semblent pas ébranler les partisans de Trump. En effet, la popularité du président reste pratiquement inchangée depuis 24 mois : son taux d’approbation n’a jamais baissé sous les 37 % ou grimpé au-dessus des 46 %. Trump avait peut-être raison — au fond — de dire qu’il ne perdrait jamais la loyauté de ceux qui l’appuient — même s’il « tirait sur des gens à l’aide d’une arme à feu » (!).

Pragmatisme impitoyable

Il n’est donc pas surprenant de le voir entamer la troisième année de sa présidence avec le même pragmatisme impitoyable qui l’a si bien servi jusqu’ici. Il refuse par exemple de renoncer au financement du mur américano-mexicain, qui plaît tant à sa base, même si cela veut dire de paralyser le gouvernement fédéral pendant des semaines.

Depuis début janvier, le changement de garde à la Chambre des représentants modifie toutefois la dynamique à Washington et pourrait marquer un tournant dans la saga House of Trump. Avec leur nouvelle majorité, les démocrates défient quotidiennement le président ; ils l’ont récemment menacé d’annuler le discours sur l’état de l’Union qu’il doit prononcer fin janvier. Les démocrates ont également invité Michael Cohen à témoigner en commission parlementaire au Capitole le 7 février, durant des audiences publiques peut-être aussi attendues que celles du juge à la Cour suprême Brett Kavanaugh il y a quelques semaines, et qui risquent d’être embêtantes pour Trump.

Les deux prochaines années risquent donc d’être teintées de confrontations et de querelles d’une intensité rarement vue dans l’histoire récente de la politique américaine. Il existe certes quelques dossiers sur lesquels les démocrates et Trump pourraient s’entendre, dont le plan massif d’infrastructures promis par ce dernier lors de l’élection de 2016. Cependant, dans cette ère d’extrême polarisation partisane, les démocrates sont las de voir le Congrès octroyer une victoire au président du parti adverse.

Ils ont plutôt l’oeil sur la prochaine élection, déjà. Plusieurs aspirants candidats présidentiels démocrates ont d’ailleurs déjà sauté dans l’arène en vue de 2020 — alors qu’il y a quatre ans, Hillary Clinton avait attendu au milieu de l’été pour lancer sa campagne. Trump, qui n’a jamais réellement cessé de faire campagne après la course de 2016, multipliera lui aussi les rassemblements, dès les prochaines semaines, pour attaquer personnellement les démocrates qui oseront l’affronter. La série House of Trump se terminera donc en janvier 2021 (si les démocrates battent Trump à la présidentielle de 2020) ou en janvier 2025 (si Trump est réélu et termine son deuxième mandat), à moins que le rapport Mueller, qui doit être dévoilé sous peu, ne persuade les républicains du Congrès qu’il relèverait du suicide politique de ne pas appuyer la destitution du président.

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