The Jeff Bezos Divorce: An American Soap Opera

 

 

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Divorce de Jeff Bezos : un feuilleton américain

L’homme le plus riche du monde, sa maîtresse, des photos osées, du chantage. Et en toile de fond la Maison-Blanche, et même les Saoudiens… Un vrai soap opera. De notre correspondante à Washington, Hélène Vissière

Modifié le 12/02/2019 à 11:52 – Publié le 12/02/2019 à 11:30 | Le Point.fr

Jeff Bezos livre une bataille avec The Enquirer.

On se croirait dans un de ces soap operas que les Américains affectionnent tant. L’histoire est certes tarabiscotée, mais palpitante. Résumé des épisodes précédents : le mois dernier, Jeff Bezos et sa femme, avec laquelle il est marié depuis vingt-cinq ans – ils ont eu quatre enfants –, annoncent leur divorce. En fait, s’ils publient un communiqué sur leur séparation, c’est parce que le National Enquirer, un tabloïd new-yorkais, est sur le point de révéler que Bezos a une liaison avec Lauren Sanchez, une présentatrice de télévision, mariée à un impresario, qui a monté une société d’images aériennes. Le tabloïd les a suivis «  en jet privé, limousines chics, balades en hélicoptère, promenades romantiques, séjours en hôtel cinq-étoiles, dîners intimes et temps passé dans des nids d’amour cachés  ». Il affirme aussi posséder des messages et des selfies érotiques, dont des photos «  si choquantes que nous n’osons pas les imprimer  ». Certains messages, eux, ont été diffusés : «  Je t’aime, fille pleine de vie. Je te le montrerai très vite avec mon corps, et mes lèvres et mes yeux  », écrit Jeff Bezos. «  Je veux te sentir, je veux te respirer, je veux te tenir serrée contre moi… Je veux embrasser tes lèvres… Je t’aime.  »

Rien de très original. Bezos n’est pas le premier milliardaire pris par le démon de midi et qui se livre à des déclarations enflammées d’une mièvrerie consternante. Mais le patron d’Amazon veut savoir qui a fait fuiter ces messages. Pour ce faire, il a embauché un détective. Après enquête, il semble, affirme le site du Daily Beast, que ce serait le frère de la maîtresse, lui-même, Michael Sanchez, employé dans une agence de talents. On imagine, depuis, l’ambiance familiale… Un autre élément interpelle : Michael Sanchez est un trumpiste convaincu, proche d’amis controversés du président, notamment Roger Stone, récemment inculpé par le procureur spécial qui enquête sur l’affaire russe.

L’ombre de Trump ?

Jeff Bezos y voit aussitôt une vengeance politique. Les photos et les e-mails ont été donnés comme par hasard au National Enquirer. Or ce n’est pas n’importe quel tabloïd. Le patron, David Pecker, un ami de longue date de Donald Trump, a reconnu avoir acheté à plusieurs reprises des témoignages compromettants pour le promoteur immobilier dans le but de les étouffer. Il a par exemple facilité le paiement de 150 000 dollars à l’ex-mannequin de PlayBoy Karen McDougal en échange des droits exclusifs de l’histoire de sa liaison avec Trump, qu’il n’a évidemment jamais publiée.

Donald Trump a une dent contre Jeff Bezos, le propriétaire du Washington Post, quotidien peu tendre avec l’administration actuelle. Les révélations sur sa vie amoureuse sont-elles donc commanditées par la Maison-Blanche ? Jusqu’ici rien ne le prouve. D’autant que Pecker, l’an dernier, après ses démêlés avec la justice sur le paiement illégal à Karen McDougal, a pris ses distances vis-à-vis de Trump.

Mais à la sortie du scoop de The Enquirer qui s’étalait sur pas moins de 12 pages, Donald Trump n’a pas résisté et s’est moqué du patron d’Amazon dans un tweet l’appelant «  Jeff Bozo ». «  Désolé d’entendre la nouvelle sur Jeff Bozo mis à mal par un concurrent (le National Enquirer, NDLR) dont le travail journalistique, d’après ce que je comprends, est de loin plus exact que celui de son journal de lobbyiste, l’Amazon Washington Post.  » «  J’espère que le quotidien passera bientôt dans de meilleures mains et plus responsables !  » ajoute-t-il.

Riposte et contre-attaque

On croyait en avoir fini avec le scandale. Nouveau coup de théâtre : la semaine dernière, Jeff Bezos s’est fendu d’un texte extraordinaire accusant publiquement The Enquirer de tentative de chantage et d’extorsion. American Media (AMI), la maison mère du tabloïd, n’a pas apprécié que Bezos lance une enquête pour déterminer d’où venaient les fuites et a décidé de contrattaquer. Ses avocats, dont l’un est un ancien cadre d’Amazon (quand on vous dit que c’est mieux qu’une série télé !), ont donc adressé à Bezos des e-mails le menaçant de publier des photos embarrassantes de lui et de Lauren Sanchez, y compris un «  selfie en dessous de la ceinture  » de M. Amazon lui-même, s’il ne stoppait pas son enquête. Ils demandent que Bezos fasse une déclaration pour revenir sur ses propos, selon lesquels ces révélations étaient «  politiquement motivées ou influencées par des forces politiques  ».

AMI aurait dû réaliser que l’on ne chatouille pas impunément l’homme le plus riche du monde. Bezos s’est rebiffé. Et a publié les e-mails en les commentant : «  Bien sûr, je ne veux pas que des photos personnelles soient publiées, mais je ne participerai pas à leurs pratiques bien connues de chantage, de faveurs politiques, d’attaques politiques et de corruption.  » Dans son texte, il suggère que ses ennemis pourraient être aussi une puissance étrangère. «  La couverture essentielle et incessante du Post sur le meurtre de son chroniqueur Jamal Khashoggi est sans aucun doute impopulaire dans certains cercles  », écrit-il. Kashohggi, le journaliste qui aurait été démembré par les Saoudiens en Turquie, travaillait pour le Washington Post. «  Pour des raisons encore à éclaircir, l’angle saoudien semble toucher un nerf particulièrement sensible  », ajoute Jeff Bezos. En mars dernier, AMI a publié une revue spéciale d’une centaine de pages à la gloire de l’Arabie saoudite et de son leader Mohammed ben Salmane, un proche de Jared Kushner, le gendre de Trump. AMI a aussi cherché, selon le Wall Street Journal, à obtenir des capitaux saoudiens pour se financer.

Une épée de Damoclès plane sur AMI

Le groupe de médias explique «  avoir agi légalement  » en révélant la liaison de Bezos. Mais dans son communiqué, il ajoute : «  Néanmoins, à la lumière des allégations publiées par M. Bezos, le conseil d’administration s’est réuni et a déterminé qu’il devrait examiner les accusations rapidement et de manière approfondie. À la fin de l’enquête, le conseil prendra les mesures appropriées s’il les juge nécessaires.  » Une épée de Damoclès plane sur AMI. En décembre dernier, les procureurs fédéraux de New York ont passé un accord avec le groupe de presse : pas de poursuites pour son rôle dans les violations de financement de campagne à condition qu’AMI coopère et reste dans les clous. Avec les révélations sur Bezos, AMI a-t-il violé son accord ? Les procureurs se penchent sur la question. Dans les médias, Jeff Bezos, jusque-là sur la sellette pour les pratiques agressives d’Amazon et le management de ses employés, a acquis soudain une dimension de héros.

Reste des interrogations en suspense. Comment Jeff Bezos, pourtant censé s’y connaître en matière de confidentialité, a-t-il pu se montrer aussi peu prudent et envoyer des messages et des photos compromettants ? Comment Michael Sanchez a-t-il obtenu les documents et pourquoi les a-t-il donnés à l’Enquirer ? Pourquoi ce dernier est-il aussi sensible aux accusations d’implication de «  forces externes  » ? Réponse dans les prochains épisodes.

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