David Malpass, a Bad Choice for the World Bank

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Editorial. Tout pose question chez le candidat officiel de la Maison Blanche pour diriger la principale institution de financement de la lutte contre la pauvreté.

Editorial du « Monde ». Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage. Lorsqu’on veut affaiblir le multilatéralisme, on nomme à la tête de la Banque mondiale l’un de ses contempteurs. La désignation par Donald Trump de David Malpass comme candidat officiel de la Maison Blanche à la présidence de la principale institution de financement de la lutte contre la pauvreté dans le monde résonne comme une provocation, tant son profil, ses déclarations passées et sa vision économique paraissent antinomiques avec la fonction.

Depuis soixante-treize ans, les Etats-Unis, en tant que premier actionnaire de l’institution, ont le privilège tacite de choisir le président de la Banque mondiale. Les Européens se sont toujours pliés de bonne grâce à cette mécanique de nomination, sachant qu’ils bénéficient de la réciproque pour la présidence du Fond monétaire international (FMI). Ce partage très daté est de plus en plus contesté par des pays émergents. Du fait d’un poids dans l’économie mondiale qui ne cesse de s’accroître, ils veulent prendre leur part de la gouvernance des institutions internationales. Mais il est peu probable que les uns ou les autres aient l’audace et les moyens de proposer d’ici au 14 mars une candidature alternative pour occuper le siège laissé vacant par Jim Yong Kim.

Peu de clairvoyance

Pourtant, tout pose question chez M. Malpass : le passé, le présent et le futur. Dans le passé, d’abord, l’ex-chef économiste de Bear Stearns n’a pas fait preuve de beaucoup de clairvoyance. Dans une tribune publiée à l’été 2007, il invitait à ne pas paniquer à propos de la bulle immobilière, alors que celle-ci allait provoquer la faillite de la banque d’affaires quelques mois plus tard.

Nouvelle erreur d’appréciation lorsque, en 2010, il estimait que les injections de liquidités de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour sauver l’économie mondiale allaient provoquer une inflation insupportable. Dès 2011, il réclamait un relèvement vigoureux des taux d’intérêt américains pour faire remonter le dollar à tout prix. Non seulement les prix sont restés sages, mais l’intervention de la Fed a permis à l’économie américaine de connaître l’une de ses plus longues périodes de croissance, dont Donald Trump profite encore.

Pour une libéralisation accrue de l’économie

Le présent, ensuite. M. Malpass est l’un des tenants du credo actuel de la Maison Blanche, « l’Amérique d’abord ». Il a multiplié les déclarations contre ce multilatéralisme qui, à ses yeux, empiète sur les souverainetés nationales et nuit à la puissance des Etats-Unis. Il présente comme son principal fait d’armes le fait d’avoir joué un rôle décisif dans la récente augmentation de capital de la Banque mondiale. Sans préciser que le soutien de Washington avait une contrepartie qui servait avant tout les intérêts américains. Alors que Donald Trump cherchait à s’assurer un succès diplomatique avec Pyongyang, il avait obtenu la promesse que la Banque mondiale participerait au financement de la reconstruction de la Corée du Nord.

Le futur enfin. Dans une tribune publiée dans le Financial Times le 7 février, l’ex-conseiller de Ronald Reagan, puis de George H. W. Bush, appelle à une libéralisation accrue de l’économie, en prônant moins d’impôts et moins de régulations. Pas sûr que ce prêt-à-penser idéologique fonctionne partout, quel que soit le niveau de développement. Par ailleurs, le changement climatique, qui sera ces prochaines années au cœur de la lutte contre la pauvreté, sera-t-il la priorité du représentant d’une administration qui n’en fait pas grand cas dans son propre pays ?

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