Editorial. Si la rencontre entre Kim Jong-un et Donald Trump s’est interrompue au bout de quelques heures, un canal existe désormais pour poursuivre un processus qui promet d’être long et sinueux.
Editorial du « Monde ». Une facette jusqu’ici insoupçonnée du président des Etats-Unis est apparue à l’issue de sa rencontre au sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, à Hanoï, jeudi 28 février : le Trump modeste et mesuré.
On ne peut que s’en féliciter. L’échec – car il s’agit bien d’un échec – de ce deuxième sommet, interrompu au bout de quelques heures, sans même se prolonger par le déjeuner prévu, était prévisible. Depuis le début, Donald Trump avait choisi de personnaliser à l’extrême sa relation avec le dictateur de Pyongyang, qu’il avait d’abord qualifié de « rocket man », avant de déclarer qu’ils étaient « tombés amoureux » à Singapour, au cours de leur première rencontre, en 2018.
Désireux de mettre en pratique depuis son arrivée à la Maison Blanche « l’art du deal », qui fut sa marque de fabrique dans le monde des affaires, le président américain était convaincu que son pouvoir de persuasion lui permettrait d’arracher à Kim Jong-un la promesse de la dénucléarisation.
Selon la version américaine de l’entretien de Hanoï, le numéro un nord-coréen a exigé la levée de toutes les sanctions en échange d’un engagement à démanteler l’installation nucléaire de Yongbyon. Cette installation est connue, mais les services de renseignement occidentaux ont de bonnes raisons de penser qu’il en existe d’autres. Même si la version nord-coréenne diffère quelque peu, assurant que seule une levée partielle des sanctions a été demandée, le « deal » proposé par Kim Jong-un était un marché de dupes. Le président Trump a bien fait de le rejeter.
Signes avant-coureurs
Le chef de l’exécutif américain a vraisemblablement présumé de son charme personnel et de son ascendant sur l’héritier d’une lignée de tyrans pour lequel il a manifesté, encore jeudi, une regrettable indulgence. Il a aussi pâti du manque de préparation de ce deuxième sommet ; les Américains semblent avoir surestimé l’attrait que représentait pour les dirigeants de Corée du Nord le bénéfice de la levée des sanctions économiques, par rapport à la perspective de la perte de l’énorme levier de l’arme nucléaire.
Ils ont négligé les signes avant-coureurs du blocage dans la difficulté des contacts bilatéraux après le premier sommet de Singapour. Et, surtout, ils ont fait comme si les deux parties partageaient la même définition du concept de dénucléarisation, ce qui visiblement n’est pas le cas.
Reste qu’il y a toujours des leçons positives à tirer d’un échec. M. Trump peut même faire valoir qu’il s’est comporté en homme d’Etat responsable, arrêtant net une négociation mal engagée, plutôt que de faire des concessions désastreuses pour conclure un accord à tout prix. Depuis Singapour, le dialogue est établi avec Pyongyang et un canal existe pour le poursuivre ; le processus promet d’être long et sinueux, y compris en raison de désaccords internes au sein de l’équipe américaine sur la stratégie à mener, mais il vaut la peine d’être engagé.
Le président américain poussera-t-il le soupçon d’humilité manifesté à Hanoï jusqu’à reconnaître les mérites de la diplomatie ? Ce serait formidable. Il pensait obtenir en un an et deux sommets avec la Corée du Nord ce qui a pris douze ans à des diplomates et ministres chevronnés de plusieurs pays côte à côte, y compris le sien : la négociation de l’accord sur le nucléaire iranien, conclu en 2015. M. Trump a dénoncé cet accord et continue d’exiger des Européens qu’ils en fassent autant. Peut-être pourrait-il à présent y jeter un deuxième coup d’œil, plus averti.
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