Have Americans Become Socialists?

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« Les Américains sont-ils devenus socialistes ? »

CHRONIQUE

auteur

Stéphane Lauer

Editorialiste au « Monde »

La réforme fiscale de Donald Trump a creusé les inégalités, ce qui a eu pour résultat de réarmer l’arsenal idéologique de la gauche américaine, explique dans sa chronique Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».

On ne sait pas si Donald Trump réussira à construire son mur à la frontière mexicaine, s’il parviendra à dénucléariser la péninsule coréenne ou à réduire le déficit commercial américain. Mais, après deux ans de mandat, on peut lui attribuer le mérite d’avoir lancé un débat qu’on aurait pu croire iconoclaste aux États-Unis : faut-il ou non instaurer un impôt sur la fortune ?

Depuis quelques semaines, une « french touch » s’est emparée des dirigeants du Parti démocrate, qui se sont lancés dans un véritable concours Lépine de la taxation du riche. Tout est parti d’AOC, l’acronyme de la nouvelle égérie de la gauche américaine, Alexandria Ocasio-Cortez. L’ex-serveuse new-yorkaise, fraîchement élue à la Chambre des représentants, propose de taxer à 70 % les revenus des 16 000 Américains les plus riches, ceux gagnant plus de 10 millions de dollars (8,2 millions d’euros) par an.

Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts et candidate aux primaires démocrates pour l’élection présidentielle de 2020, voudrait taxer à hauteur de 2 % les patrimoines supérieurs à 50 millions et à 3 % ceux qui dépassent 1 milliard de dollars. Au total, 75 000 ménages seraient concernés. Quant à Bernie Sanders, qui vient lui aussi de se lancer dans la course à la Maison Blanche, il imagine un taux d’impôt de 45 % sur les successions à partir de 3,5 millions et de 77 % au-delà d’un milliard.

Une réforme fiscale inique

De l’autre côté de l’Atlantique, point de « yellow vests », de « gilets jaunes », mais une prise de conscience qui doit beaucoup à M. Trump. Les inégalités aux États-Unis ne datent pas de l’élection du milliardaire new-yorkais. Mais, au lieu de tenter de s’attaquer au problème, il a eu tendance à l’aggraver, ce qui a réarmé l’arsenal idéologique de la gauche américaine.

Élu sur l’idée de défendre les oubliés de la mondialisation, son bilan à ce jour se résume à une réforme fiscale inique adoptée il y a un an, qui a essentiellement profité aux grandes entreprises et aux plus riches. Le taux marginal a été réduit de deux points, les droits de succession ont été supprimés en dessous de 11 millions de dollars.

Et M. Trump s’est bien gardé de supprimer la niche fiscale dite du « carried interest », qui permet aux dirigeants de fonds d’investissement de payer proportionnellement moins d’impôts que leur secrétaire. En 2019, les 1 % les plus riches vont économiser 60 milliards de dollars d’impôts sans avoir rien demandé. Quelle était l’urgence de telles mesures dans un pays où les 0,1 % les plus riches possèdent autant que les 90 % les moins aisés ?

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