When Yesterday’s Superpower Collapses into Inactivity

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CHRONIQUE – Aux Etats-Unis, républicains et démocrates, en dépit de leur style différent, ont sur le monde des points de vue proches. Et le nouvel isolationnisme américain n’est pas près de disparaître.

La conférence annuelle sur la sécurité, qui s’est tenue à Munich il y a une semaine, a illustré la profondeur du fossé qui sépare désormais les deux rives de l’Atlantique. L’Organisation des Nations unies (l’ONU) est depuis sa naissance l’incarnation de la division du monde. L’Otan aurait-elle pour ambition de devenir, à travers ses fractures, l’ONU du monde occidental ? La formule est aujourd’hui très excessive. Mais qu’en sera-t-il demain ?

A Munich, le week-end dernier, la chancelière d’Allemagne a retrouvé une vigueur et une énergie qui semblaient lui avoir fait défaut depuis de longs mois pour dénoncer les risques et les incohérences de la diplomatie américaine. Pour Angela Merkel, depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’Amérique a simplement « tout faux ». De ses efforts pour isoler l’Iran, jusqu’à son protectionnisme commercial, en passant par l’annonce du retrait des troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan, sans oublier le rejet de l’Accord de Paris sur le climat. Comment, aussi, prendre au sérieux un homme qui suggère que l’industrie automobile allemande constitue une menace centrale pour la sécurité des Etats-Unis ?

Le vice-président Mike Pence, qui avait la responsabilité de lui répondre, n’a pas été en reste. Dans l’Alliance Atlantique, « c’est l’Amérique qui décide et ses alliés qui doivent suivre », a-t-il rappelé à ceux qui auraient pu l’oublier. « De toute façon, vous ne contribuez pas assez pour qu’il en soit autrement. » Il ne l’a pas dit aussi clairement, mais tout le monde l’a compris. De manière plus spécifique, en gardant ses liens avec l’Iran, a-t-il ajouté, l’Europe pourrait tout simplement apparaître aux yeux de l’Histoire, comme complice d’un nouvel Holocauste. S’ils détenaient l’arme atomique, les Iraniens hésiteraient-ils à s’en servir contre Israël ?

Une vision marketing de la politique

Jamais, depuis la création de l’OTAN il y a près de soixante-dix ans, les relations transatlantiques ne sont apparues aussi exécrables. Que doit faire l’Europe ? Doit-elle se résigner au fait que l’Amérique a changé, que le monde n’est plus ce qu’il était, et que notre continent doit d’autant plus se « soumettre » qu’il n’est plus au coeur des préoccupations stratégiques de Washington ?

Les 27 et 28 février aura lieu à Hanoï la deuxième rencontre au sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un. S’agit-il d’une nouvelle illustration du fait que le « pivot » de la politique étrangère des Etats-Unis s’est déplacé vers l’Asie avec une nouvelle définition du « deux poids et deux mesures » : patience mais fermeté (dans le cas de la Chine en particulier) envers l’Asie, impatience et irritation à l’encontre de ses traditionnels alliés européens ? Il s’agit, là encore, d’une interprétation excessive. De manière plus simple, dans sa vision « marketing » de la politique internationale, le locataire de la Maison-Blanche considère qu’une rencontre avec le leader nord-coréen, même si elle ne débouche sur aucun résultat concret, « rapporte » plus qu’une négociation serrée avec les alliés européens.

Dans un tel contexte, est-il réaliste pour l’Europe de se contenter de « faire le gros dos », et d’attendre le départ de Donald Trump ? L’inflation des candidatures au sein du parti démocrate – plus d’une vingtaine à ce jour – est une chance pour le président en place. Et ils ne sont pas seulement plus nombreux que d’habitude, ils sont plus radicaux dans leurs prises de position. Il existe comme une dérive vers la gauche de la majorité des candidats du parti démocrate. Ce qui conduit à se demander si, en matière de politique étrangère, les différences seront à ce point significatives, au-delà du style bien sûr, entre l’actuel président et son éventuel successeur démocrate ?

Certes les chances d’un démocrate modéré comme le sénateur de l’Ohio Sherrod Brown ou la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, ne doivent pas être sous estimées. Le parti démocrate a brillamment remporté les élections de mi-mandat de novembre 2018 parce qu’il a su faire preuve de pragmatisme. Pourquoi serait-il incapable d’en faire de même pour les élections présidentielles de 2020 ? Selon des études réalisées par l’institut de sondage de l’université de Monmouth, 56 % des électeurs potentiels du parti démocrate, préfèrent un candidat qui ait des chances d’être élu, contre 33 % qui privilégient un candidat en fonction de purs critères idéologiques.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Et pourtant, en matière de politique étrangère, les positions des démocrates de gauche et des républicains au pouvoir se sont rapprochées au cours des dernières années. Ils dénoncent, presque d’une même voix, l’interventionnisme excessif des Etats-Unis dans le monde. Ils prêchent tous ensemble une forme d’égoïsme sacré. « L’Amérique d’abord. Tant pis pour les autres. Nous ne pouvons prendre en charge toute la misère du monde. » A la droite de l’échiquier politique, la motivation est purement égoïste. A gauche, elle s’abrite derrière des considérations éthiques. « En voulant faire le bien, nous avons fait du mal. » Mais tous arrivent à la même conclusion : « Nous devons tirer les leçons du passé et nous tenir à l’écart de politiques dont l’objectif est le changement de régimes, y compris par le biais du soutien à des coups d’Etat militaires. »

Le problème d’une ex-« hyperpuissance » pour reprendre la formule d’Hubert Védrine, est qu’elle risque de passer de l’hyperaction à l’inaction. Le monde est devenu trop complexe, on ne comprend plus ce qui s’y passe, autant rester sagement à la maison. Or, c’est au moment où le monde est toujours plus dangereux et chaotique, confronté à une liste de défis sans fin – du terrorisme au changement climatique – que l’inaction devient la garantie du désastre. L’absence de solidarité avec la misère des autres constitue une indifférence non seulement coupable, mais dangereuse.

Paradoxalement, c’est au moment où la solidarité est devenue une question de survie pour tous que la tentation du repli – qui cache trop souvent la réalité de l’indifférence – devient irrésistible et se transmet, comme le bâton d’un relais, d’une sensibilité politique à l’autre.

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