A New Wind Is Blowing in the United States

 

 

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Le caractère tellement outrancier et cynique de la présidence Trump a fini par radicaliser l’opposition démocrate, et semble susciter de nouvelles idées, même sur la fiscalité.

Je rentre à peine de la côte Est des Etats-Unis. J’ai été frappée par le changement d’ambiance depuis mon dernier séjour l’an passé. Alors que Trump occupait alors beaucoup de mes conversations avec amis et collègues, celui-ci a presque totalement disparu des radars personnels. Bien sûr, il n’est pas une heure sans que sa grosse tête orange n’apparaisse sur un écran dans un bar sportif ou dans un aéroport, mais il semble être devenu un objet de foire, l’équivalent du gros tonton raciste et sexiste qu’on se traîne avec honte aux réunions de famille.

La vie continue ou plutôt elle renaît. Il y a un air de nouveau monde dans les milieux intellectuels et politiques américains. Son mandat est tellement grotesque et tellement ploutocrate qu’il a réveillé les consciences. Et les consciences se radicalisent, c’est frappant !

La période actuelle est souvent comparée à l’après-guerre de Sécession marquée par une explosion des inégalités parallèle au développement des nouvelles communications, du rail et d’une forte croissance économique. Cette période a été baptisée cyniquement «âge d’or» par l’écrivain Mark Twain pour exprimer qu’elle brillait en surface mais était corrompue en profondeur. Il signifiait alors la corruption du rêve américain, celui de l’égalité pour tous en opposition à la concentration des richesses en Europe ! Comparer la période actuelle à cet âge d’or revient donc à dénoncer un modèle économique basé sur la rente qui ne produit que de l’injustice sociale et nourrit les extrêmes. Je pourrais bien avoir un biais ici mais il me semble que la révolution intellectuelle et politique a donc lieu sur le terrain économique.

Les Américains sont divisés sur les valeurs sociales comme l’avortement, la religion, l’immigration, le port des armes à feu, etc. Mais une majorité d’entre eux est favorable à une action publique ferme sur le pouvoir des grandes entreprises et… à une augmentation des impôts. Ainsi, la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren, candidate aux primaires démocrates, a inclus dans son programme un impôt sur les hauts patrimoines au-dessus de 50 millions de dollars et 61 % des Américains soutiennent sa proposition (1). Wait… what ? L’ISF aux Etats-Unis ? Quand je vous parlais de changement de paradigme.

Un autre visage de ce changement d’époque est naturellement Alexandria Ocasio-Cortez,élue à la Chambre des représentants lors des dernières élections de mi-mandat. Il faudrait une chronique entière pour décrire la ferveur que provoque chacune de ses interventions. Elle ne propose pas moins qu’une taxe marginale de 70 % sur les revenus de plus de 10 millions de dollars !

Au-delà des programmes de campagne et des sondages, j’ai moi-même ressenti ce changement la semaine dernière. Une première fois à Princeton en présentant nos propositions (2) pour un ISF européen et une taxe européenne sur les multinationales et les hauts revenus. J’avais cinquante Américains devant moi, des étudiants et des professeurs. Seuls un ou deux messieurs aux cheveux blancs ont levé les yeux d’un air excédé. Le reste de l’audience était attentive. Il me semble que nos propositions auraient été raillées aux Etats-Unis il y a encore trois ans et jugées totalement irréalistes. Une seconde fois au Fonds monétaire international, où j’ai présenté nos résultats sur l’activité des banques européennes dans les paradis fiscaux. J’avais devant moi une vingtaine de fonctionnaires internationaux experts de l’évasion fiscale des multinationales et curieux de connaître les données européennes.

L’évasion fiscale est un sujet pris très au sérieux par cette institution conservatrice de Washington ; d’une part sans doute sous l’effet de la forte pression de la société civile et d’autre part d’un renouvellement des élites : la moitié de la salle était née dans les années 80 et n’avait pas besoin d’être convaincue de l’importance du sujet. Il va encore falloir de bons gros scandales sexuels sur Donald Trump et une augmentation significative du chômage pour qu’il ne remporte pas l’élection l’an prochain. Mais le changement est en route. Et ça fait du bien.

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