Venezuela: War of Attrition

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Entendu que la promotion de la démocratie vénézuélienne et la détresse généralisée dans laquelle s’enfonce la population sont le cadet des soucis de Donald Trump. Encore que l’autoritaire président Nicolás Maduro n’a pas de leçons à lui donner, capable qu’il est de nier l’existence même de la crise humanitaire et de réduire tout ce qui va mal aux machinations américaines.

Avec le résultat qu’un rapport de l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indiquait mardi que le Venezuela était au bord d’une « crise alimentaire aiguë ». Et que, selon un autre rapport onusien publié jeudi dernier, le quart de la population, soit 7 millions de personnes, avait d’urgence besoin d’aide alimentaire. L’ONU cite des chiffres effarants, d’après lesquels 94 % des gens vivent aujourd’hui dans la pauvreté. Les médicaments et l’eau potable manquent, les hôpitaux ne fonctionnent plus, 3,5 millions de Vénézuéliens se sont exilés, errant dans les pays voisins.

On avait scénarisé que l’opposant Juan Guaidó, s’autoproclamant en janvier dernier président intérimaire sur la base de larges appuis intérieurs et extérieurs — ceux de la rue vénézuélienne et d’une cinquantaine de capitales occidentales et latino-américaines emmenées par les États-Unis —, réussirait à faire plier le régime et à faire basculer l’armée, de manière à sortir le pays de l’impasse. Peine perdue. Fort du soutien de la Chine et de la Russie, qui protègent leurs investissements, Maduro tient bon. Les promesses d’amnistie de M. Guaidó n’ont pas convaincu l’armée de courir le risque de perdre la maîtrise des leviers économiques — contrôle des exportations de pétrole et des importations de denrées alimentaires — que le chavisme lui a confiés.

Les États-Unis ne s’arrêteront pas en si bon chemin, puisqu’ils n’ont jamais cherché qu’à faire tomber feu Hugo Chávez du moment qu’il est arrivé au pouvoir en 1999, suivant la vieille et nuisible doctrine Monroe ; et puisqu’ils n’ont jamais même envisagé l’idée d’une cohabitation avec ce régime de gauche, cubanophile de surcroît, l’envisageant d’autant moins que son influence est assise sur des réserves de pétrole sensationnelles.

Les sanctions américaines imposées à l’été 2017, bloquant l’accès du Venezuela au système financier international, ont peut-être marqué un tournant. Il aurait encore été possible avant cela pour le pays de financer sa remise sur pied ; la corruption du régime et les erreurs de gestion économique ont fait le reste. Aussi, Washington n’a objectivement aucun intérêt à se lancer dans l’aventure d’une intervention militaire. À défaut de parvenir à ses fins avec le projet de « transition démocratique » incarné par Juan Guaidó, que les chavistes s’emploient à disqualifier par tous les moyens, la stratégie américaine consiste à continuer de faire mourir le régime Maduro à petit feu. C’est une guerre d’attrition.

Électoralement, sa stratégie permet à M. Trump de faire le plein de votes auprès de la petite communauté vénézuélienne de l’État clé de la Floride en vue de la prochaine présidentielle, pendant qu’au Venezuela, la répression appliquée par le régime achève de boucher toutes les avenues de dialogue. La crise s’internationalisant, l’espace dont dispose le Venezuela dans l’exercice de sa souveraineté nationale se rétrécit. L’affaire prend la forme d’un affrontement Est-Ouest à la cubaine, et c’est comme si l’histoire ne nous apprenait jamais rien.

Ces dernières semaines auront en tout cas démonté l’argument humanitaire. Les considérations démocratiques et humanistes qui ont justifié l’arrimage de pays comme le Canada aux intérêts américains n’ont rien donné.

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