Comment lutter contre les lois américaines extraterritoriales ? La réponse de Louis de Gaulle, avocat d’affaires, coprésident de la commission « affaires iraniennes » du Club des juristes.
Il est extrêmement difficile pour une entreprise d’échapper aux lois d’extraterritorialité américaines car elles englobent toutes les activités qui ont un lien avec les États-Unis, même quand ces activités se passent entièrement hors de leurs frontières. Il suffit que les Américains considèrent que ces activités ont un rattachement possible avec leur pays.Les Américains ont une interprétation large de ce lien puisqu’ils considèrent qu’il suffit, par exemple, d’utiliser le dollar, de faire transiter les transactions monétaires par une chambre de compensation située aux États-Unis, qu’il y ait un salarié de nationalité américaine dans l’une des entreprises concernées ou encore que des informations transitent par des serveurs situés sur le sol américain.
La condition du lien de rattachement avec le pays est la base juridique de toutes les lois considérées comme d’ordre public international par les États considérés, y compris par la France. Notre justice peut ainsi lancer des enquêtes à l’étranger si des Français sont victimes dans une catastrophe aérienne. Mais cela n’est valable, en l’occurrence, qu’en matière pénale.
Les États-Unis aujourd’hui presque incontournables
En théorie, l’application de sanctions ne peut se faire que si des entreprises ont un lien direct avec les États-Unis, une activité sur leur territoire par exemple. Voire le voyage d’un salarié sur le sol américain. En vérité, la puissance américaine bloque tout l’écosystème financier.
Dans la plupart des transactions internationales, les entreprises ont besoin de comptes bancaires tenus par des établissements financiers. Or, dans leurs contrats, ces derniers incluent des clauses de conformité avec les lois internationales en matière de contrôle des exportations. Ces contrats sont souvent étendus aux dispositions de la loi américaine.
La toute-puissance économique des États-Unis les rend aujourd’hui presque incontournables. Des recours ont été exercés par l’Iran contre la sortie des États-Unis de l’accord sur le nucléaire signé à Vienne en 2015 sous l’égide des Nations unies. Ils ne s’appuient pas sur une contestation de la loi d’extraterritorialité américaine en tant que telle mais sur des traités signés entre les États-Unis et l’Iran concernant l’application des lois extraterritoriales aux affaires iraniennes.
« Instex », une sorte de plate-forme de troc international
Le seul moyen de lutter contre cette hégémonie consisterait en une réciprocité internationale. L’un des rares exemples européens est efficace : le règlement sur la protection des données personnelles, le RGPD. Les groupes d’Internet américains ne peuvent pas se passer du marché européen et ils s’y sont pliés.
L’Europe réfléchit par ailleurs à créer une sorte de système monétaire avec des compensations entre les monnaies étrangères qui ne passeraient pas par le dollar. Et trois pays ont créé au début de l’année un mécanisme nommé « Instex », une sorte de plate-forme de troc international, qui ne fonctionne pas encore. Mais il est probable que ses effets seront limités.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.