The Fuel of the Crisis

<--

Avec l’attaque perpétrée jeudi contre deux pétroliers dans la mer d’Oman, c’est un gros brûlot, un brûlot de trop, qui vient de s’ajouter aux périlleux foyers de tension affectant déjà le Proche et le Moyen-Orient : à savoir les guerres du Yémen et de Syrie, de même le régulier matraquage, par Israël, de la bande de Gaza.

Région des plus hautement inflammables, dans tous les sens du terme, que ce golfe Persique séparant l’Iran de la péninsule arabe et qui, par le détroit d’Ormuz, communique avec la mer d’Oman et l’océan Indien. Voilà qui en fait le tronçon le plus stratégiquement important, et en même temps le plus potentiellement vulnérable, de la route du pétrole. Bien des guerres ont été livrées dans le passé pour le contrôle des voies, maritimes ou terrestres, qu’empruntait le commerce mondial des épices, puis de la soie. On ne se bat plus désormais pour ces produits de luxe, passablement déclassés d’ailleurs par les arômes artificiels et les tissus synthétiques. En revanche, le dieu pétrole, qui conserve l’adoration des sociétés industrialisées, a encore de beaux jours – et de féroces empoignades – devant lui.

Si le mode opératoire des agresseurs demeure sujet à débat (torpilles, drones ou mines), les États-Unis, forts d’une vidéo, n’ont guère perdu de temps pour incriminer la République islamique. Le fait est qu’en dépit de ses véhémentes dénégations, formulées déjà lors du sabotage, le mois dernier, de quatre pétroliers au large des Émirats arabes unis, l’Iran fait très bien figure de premier suspect. À plus d’une reprise en effet, ce pays, durement affecté par les sanctions américaines dans l’exploitation de son pétrole, a averti qu’il n’attendrait pas d’être totalement asphyxié pour rendre la vie tout aussi impossible à d’autres nations. En outre, le guide suprême Khamenei n’a pas pris de gants pour signifier au Premier ministre du Japon, venu en médiateur, son refus de toute négociation avec l’actuel pensionnaire de la Maison-Blanche.

Que les accusations US s’avèrent fondées, et les dirigeants de Téhéran (scénario numéro un) se seraient en somme lancés dans un hasardeux quitte ou double. Pire encore, pourrait-on croire en raison du criant déséquilibre des forces en présence, dans un chantage pouvant aller jusqu’à l’apocalypse pour tous, à l’image de Samson abattant les colonnes du temple sur les têtes de ses ennemis. Pur bluff, estimait toutefois hier Donald Trump, qui a balayé d’un revers de la main tout risque de fermeture du détroit d’Ormuz.

D’autres éventualités n’ont pas manqué de circuler cependant. Un moment cités, les houthis du Yémen, protégés de l’Iran, ont été mis hors de cause, car ne possédant pas les moyens d’une double opération de cette envergure. Non moins hardie est la thèse d’une initiative isolée des ultras iraniens, les pasdaran, hostiles à la ligne modérée et conciliatrice observée par le président Rohani.

Dans une partie du monde coutumière des coups les plus tordus, des plus invraisemblables des situations, on ne saurait enfin écarter tout à fait la possibilité d’un acte de provocation commis par une partie dormante, et visant à faire monter les enchères. À Washington comme à Tel-Aviv, les excités ne manquent pas. Et surtout, les rapports mensongers de la CIA sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein sont encore présents dans les mémoires : d’où les doutes qu’a suscités, auprès de nombre d’experts, une vidéo du Pentagone censée montrer des pasdaran retirant une mine-ventouse non explosée du flanc d’un des deux tankers ciblés.

On ne sait, en définitive, si le ton bravache de Donald Trump aura pour effet d’enrayer la soudaine hausse des prix du brut et de calmer l’inquiétude des transporteurs, assureurs et autres familiers de la route de l’or noir. Pour bien des peuples de la région subissant, bien malgré eux, les contrecoups de la crise, plus importants que tous ces flots de dollars pourraient s’en avérer les enjeux.

About this publication